mercredi 20 mai 2015

Messe à la Sainte Chapelle

Le 19 mai est célébrée la St Yves, patron des avocats, des gens de loi et des Bretons. Double fête pour moi chaque année, qui suis Breton et avocat.
L’Association catholique du Palais organise en cette occasion une messe célébrée au cœur du Palais de justice de Paris, dans un écrin voulu par le roi Louis IX pour conserver près de lui les Reliques de la Passion – au premier rang desquelles la Couronne d’épines –, la Sainte Chapelle.
Quand on entre au Palais par la Galerie Marchande, la Ste Chapelle est immédiatement à niveau, à l’extrémité sud de la galerie sans qu'on ne la remarque sauf à y prêter spécifiquement attention, tandis que le public entre au Palais précisément aux pieds du monument.

Ce qui surprend le plus en y entrant c’est sa petite taille car cette chapelle est vraiment réduite, davantage que ne l’est une église paroissiale, mais elle est ainsi conçue que le regard est aussitôt happé vers le haut, en direction du ciel avec lequel se confond le plafond.

Pour cette messe de Saint Yves, c’est le Barreau qui est à l’honneur. Le public invité s’installe en premier puis le Barreau, en robe, entre en procession depuis la Galerie de la Présidence de la Cour d’appel précédant les célébrants eux-mêmes présidés par un évêque convié pour l’occasion.
Il y a dans cette procession comme un souvenir de messe de mariage, quand les invités se tournent dans l’église pour découvrir la mariée qui lentement remonte la nef, tandis qu’aujourd’hui c’est vers nous, avocats en robe, que se tournent les invités. Sans doute y a-t-il dans leur regard quelque curiosité tandis que je ne peux me départir d’une fierté non pas déplacée mais légitime.

Loin d’être une atteinte à la laïcité toute républicaine (la grand croix traversant les couloirs du Palais retombé dans la léthargie du soir, voici de quoi faire frémir les plus radicaux), cette messe s’inscrit bien plus dans une tradition séculaire dont la justice moderne – ou plutôt actuelle – porte toujours des symboles au travers de la robe. Les juges comme les avocats étaient des clercs, d’où la robe de couleur noire, et rendaient la justice au nom du roi, d’où les parements d’hermine. Célébrer une messe à la Ste Chapelle, au cœur du Palais de Justice, c’est invoquer doublement Saint Louis qui a voulu ce monument, qui résidait en ce palais et qui lui aussi rendait la justice directement.



Une fois le Barreau installé aux premiers rangs, la messe peut démarrer au son magnifié d’une chorale venue pour l’occasion, profitant de la sonorité exceptionnelle de l’ensemble. Les chants montent aux cieux dans une harmonie enveloppante et douce, qui porte la ferveur comme au paroxysme. Seules les églises du Moyen-Âge sont capable d’atteindre une telle pureté dans le son des chants comme si, quel qu’en soit le timbre, il se muait dans les aigus pour faire vibrer en nous toutes les cordes d’émotion jusqu’au plus profond de notre âme.

Le peu de recul à l’intérieur de la Chapelle, a fortiori étant assis aux premiers rangs, amène le regard, suivant le jeu des colonnes, à prendre de la hauteur pour se poser sur ce dais actuellement vide et initialement destiné à abriter les  Reliques. Deux escaliers en arrière de l’autel permettent d’y accéder mais ce n’est que très exceptionnellement qu’en grande procession ces reliques quittent le Trésor de Notre-Dame, parcourent les quelques centaines de mètres de parvis pour rejoindre leur châsse en hauteur de la Ste Chapelle. Même vide ce dais émeut sincèrement par ce qu’il représente dans l’Histoire.
Rendre la Sainte Chapelle à sa vocation première, la prière, même pour le temps d’une messe, c’est la faire revivre sans plus aucun repère chronologique grâce à l’intemporalité du costume religieux et judiciaire.

Et déjà c’est la fin, remonter la nef à nouveau en procession et retrouver la vie moderne brutalement, comme au sortir d’un rêve.


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