Le 19 mai est célébrée la St Yves, patron des avocats,
des gens de loi et des Bretons. Double fête pour moi chaque année, qui suis Breton et avocat.
L’Association catholique du Palais organise en cette occasion une
messe célébrée au cœur du Palais de justice de Paris, dans un écrin voulu par
le roi Louis IX pour conserver près de lui les Reliques de la Passion – au
premier rang desquelles la Couronne d’épines –, la Sainte Chapelle.
Quand on entre au Palais par la Galerie Marchande, la Ste
Chapelle est immédiatement à niveau, à l’extrémité sud de la galerie sans qu'on ne la remarque sauf à y prêter spécifiquement attention, tandis
que le public entre au Palais précisément aux pieds du monument.
Ce qui surprend le plus en y entrant c’est sa petite taille car
cette chapelle est vraiment réduite, davantage que ne l’est une église
paroissiale, mais elle est ainsi conçue que le regard est aussitôt happé
vers le haut, en direction du ciel avec lequel se confond le plafond.
Pour cette messe de Saint Yves, c’est le Barreau qui est à
l’honneur. Le public invité s’installe en premier puis le Barreau, en robe,
entre en procession depuis la Galerie de la Présidence de la Cour d’appel
précédant les célébrants eux-mêmes présidés par un évêque convié pour
l’occasion.
Il y a dans cette procession comme un souvenir de messe de mariage,
quand les invités se tournent dans l’église pour découvrir la mariée qui
lentement remonte la nef, tandis qu’aujourd’hui c’est vers nous, avocats en
robe, que se tournent les invités. Sans doute y a-t-il dans leur regard quelque
curiosité tandis que je ne peux me départir d’une fierté non pas déplacée mais
légitime.
Loin d’être une atteinte à la laïcité toute républicaine (la
grand croix traversant les couloirs du Palais retombé dans la léthargie du
soir, voici de quoi faire frémir les plus radicaux), cette messe s’inscrit bien
plus dans une tradition séculaire dont la justice moderne – ou plutôt actuelle
– porte toujours des symboles au travers de la robe. Les juges comme les
avocats étaient des clercs, d’où la robe de couleur noire, et rendaient la justice
au nom du roi, d’où les parements d’hermine. Célébrer une messe à la Ste
Chapelle, au cœur du Palais de Justice, c’est invoquer doublement Saint Louis
qui a voulu ce monument, qui résidait en ce palais et qui lui aussi rendait la
justice directement.
Une fois le Barreau installé aux premiers rangs, la messe peut
démarrer au son magnifié d’une chorale venue pour l’occasion, profitant de la
sonorité exceptionnelle de l’ensemble. Les chants montent aux cieux dans une
harmonie enveloppante et douce, qui porte la ferveur comme au paroxysme. Seules
les églises du Moyen-Âge sont capable d’atteindre une telle pureté dans le son
des chants comme si, quel qu’en soit le timbre, il se muait dans les aigus pour
faire vibrer en nous toutes les cordes d’émotion jusqu’au plus profond de notre
âme.
Le peu de recul à l’intérieur de la Chapelle, a fortiori étant
assis aux premiers rangs, amène le regard, suivant le jeu des colonnes, à
prendre de la hauteur pour se poser sur ce dais actuellement vide et
initialement destiné à abriter les
Reliques. Deux escaliers en arrière de l’autel permettent d’y accéder
mais ce n’est que très exceptionnellement qu’en grande procession ces reliques
quittent le Trésor de Notre-Dame, parcourent les quelques centaines de mètres
de parvis pour rejoindre leur châsse en hauteur de la Ste Chapelle. Même vide
ce dais émeut sincèrement par ce qu’il représente dans l’Histoire.
Rendre la Sainte Chapelle à sa vocation première, la prière, même
pour le temps d’une messe, c’est la faire revivre sans plus aucun repère
chronologique grâce à l’intemporalité du costume religieux et judiciaire.
Et déjà c’est la fin, remonter la nef à nouveau en procession et
retrouver la vie moderne brutalement, comme au sortir d’un rêve.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire