27.4.15. Il me vient d’envier les écrivains voyageurs d’antan
lorsque les transports n’étaient pas aussi rapides, et qui prolongeaient leur séjour
dans une ville le temps nécessaire pour en sentir l’ambiance, le caractère, qui
ainsi pouvaient rester une journée entière en un lieu pour le décrire en détail
et non en synthèse, jusqu’à en sonder l’âme. J’imagine très bien le travail
place d’Espagne, assis à tourner tout autour pour décrire pavillon par
pavillon, subtilité par beauté.
Tolède, par un temps variable rafraichi par un petit vent frais
du haut de ses presque 600 mètres d’altitude, niché sur une hauteur dominant
une vaste plaine. Notre hôtel est dans le centre historique, sorte d’ancienne
pension pour étudiants avec des chambres à lits superposés.
Sur le toit dont je profite à l’heure d’écrire ces lignes, nous
avons accès à une vaste terrasse façon bain de soleil surmontée d’un nid
d’aigle vitré dominant la ville telle la passerelle d’un navire, avec vue sur
l’Alcazar de Tolède (dans la version manuscrite des notes s’est glissée une
coquille parlant d’Alcatraz…), le clocher de la cathédrale, celui d’une petite
église si près que je pourrais le toucher, le tout dans un enchevêtrement de
toits en tuiles tels les vagues sur l’océan, laissant entrevoir la campagne à
l’horizon.
Ici encore des rues si étroites que le ciel en semble absent, des
balcons ouvragés qui tombent en ruine pour la plupart, des églises dont l’accès
est payant même pour une simple prière – que dire alors pour le profane qui ne
cherche qu’à jeter un œil qui se verra refouler sans ménagement. Mais partout
un souffle d’Histoire qui se perçoit et se palpe et rencontre aussi l’histoire
au travers des évocations omniprésentes de Don Quichotte et de Sancho.
J’apprécie ce temps au nid d’aigle, comme suspendu ; en
présence de voyageurs inconnus ce qui donne son charme à ces haltes même si la
barrière de la langue empêche parfois d’entamer de vraies rencontres. Il y a
ici un aspect chaleureux, façon chambre de bonne de luxe avec ces ouvertures
panoramiques, un grand canapé d’angle, un coin cuisine et à l’opposé un coin
ordinateur outre des commodités.
Par sa masse débordant allègrement de la ville l’Alcazar
impressionne. De la fenêtre contre laquelle repose la table sur laquelle
j’écris, j’en aperçois les quatre tours carrées et les hauts murs surplombant
les remparts en contrebas, dissimulés à ma vue par les toits les plus proches.
Dans la partie la plus étroite, aspectée au nord, les fenêtres ont un air de
parade, grandes avec balcon, tandis que sur le pan ouest elles ont une allure
austère et fonctionnelle.
Il est tout de même désolant de voir que les smartphones en tous
genre ont détruit la communication dans les voyages, paradoxe pour cet
accessoire mais pourtant, à moins que ce ne soient les touristes vacanciers
qui ont perdu la notion de voyage ;
En arrivant ainsi au nid d’aigle de l’hôtel, aucun des clients
présents n’a pris la peine de s’extraire qui de son smartphone, qui de son
ordinateur lorsque nous sommes entrés dans la pièce, rendant impossible la
moindre conversation, annihilant la rencontre.
J’en ai vu un autre dans la rue sortir son smartphone pendant que
le reste de son groupe entrait dans un magasin, alors que juste au-dessus de
lui des merveilles d’architectures appelaient le regard. Désolant.
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