lundi 25 mai 2015

Un dimanche en Normandie

Il est des jours où dès le réveil l'idée peut nous prendre d'aller faire un tour au bord de la mer, s'organiser un pique-nique loin des jardins parisiens mais au contraire profiter du soleil printanier en se donnant quelques idées anticipées d'été.


Cap sur la Normandie, deux heures de route pour atteindre la côte et choisir un lieu propice, calme et accessible, loin des foules qui se pressent en masse vers Deauville, loin des manifestations diverses de Cabourg.

Passé Dives sur Mer, le chenal du port atteint une plage bordée par une voie ferrée si peu fréquentée qu'elle n'est guère dérangeante, qui mène au village de Houlgate, dont l'église semble avoir les pieds dans le sable.


Dans la forêt qui domine la plage, une propriété surgit des arbres, donnant l'impression de passer juste une tête pour observer, une fenêtre ouverte et l'autre fermée comme un clin d'oeil.

Alors que quelques nuages obscurcissent subitement le ciel, donnant au chenal une teinte grisâtre qui rappelle la mer du Nord, les premiers bateaux sortent en profitant de la marée, bientôt suivis d'une flottille fournie, donnant à ce chenal étroite une allure de grand boulevard aux heures de pointe. C'est un ballet qui va se jouer sous nos yeux, d'entrées et de sorties, au moteur ou à la voile.


Pour que la journée ne soit pas limitée à une sortie les doigts de pied en éventail, un créneau s'impose vers l'un ou l'autre des sites du Débarquement, le premier d'entre eux étant pour nous Bénouville pour aller saluer Pegasus Bridge. Ô certes pas l'original, visible dans le parc du Mémorial construit à quelques mètres de là, mais sa réplique toujours fonctionnelle, avec cet imposant contre-poids qui s'abaisse pour permettre au tablier de se redresser au passage des bateaux remontant le canal latéral à l'Orne. En arrière plan sur la rive opposée, le Café Gondrée, qui s'honore toujours du titre de "première maison libérée de France".


Quel bonheur de sortir de Paris, de prendre l'air et barboter les pieds dans l'eau, de croquer à loisir, en attendant le plaisir de réitérer.

samedi 23 mai 2015

Aux berges de la Seine

Ce n'était pas sous le Pont Mirabeau mais lentement coule la Seine, aux pieds des nouvelles berges rendues aux piétons là où hier circulait un flot furieux d'automobilistes pressés.
En contrebas de tout la circulation n'est plus visible, à peine un brouhaha de fond qui perturbe le chant des vagues que le trafic fluvial provoque. Ce clapotis parfois plus fort de l'eau qui claque sous la proue des bateaux mouches à fond plat.


Au port de l'Alma patientent quelques bateaux prêts à se charger de leur manne de touristes en mal de visite tandis que sur le fleuve passent ceux déjà chargés, avec leurs passagers qui saluent à tout va et crient en passant sous les ponts pour jouer de la résonance des voûtes.


Et tous en passant devant la terrasse où je suis installé entendront qu'à leur gauche s'élève le Grand Palais bâti pour l'Exposition Universelle de 1900 avec sa célèbre verrière. J'aurais ainsi entendu ce commentaire dans toutes les langues, avec plus ou moins de fluidité selon le guide.

Qu'il est bon pendant que tout s'agite autour de soi de rester posé le temps d'un croquis, profitant d'un soleil généreux de mois de mai tandis qu'une délicate fraicheur monte de l'eau à mes pieds...

mercredi 20 mai 2015

Messe à la Sainte Chapelle

Le 19 mai est célébrée la St Yves, patron des avocats, des gens de loi et des Bretons. Double fête pour moi chaque année, qui suis Breton et avocat.
L’Association catholique du Palais organise en cette occasion une messe célébrée au cœur du Palais de justice de Paris, dans un écrin voulu par le roi Louis IX pour conserver près de lui les Reliques de la Passion – au premier rang desquelles la Couronne d’épines –, la Sainte Chapelle.
Quand on entre au Palais par la Galerie Marchande, la Ste Chapelle est immédiatement à niveau, à l’extrémité sud de la galerie sans qu'on ne la remarque sauf à y prêter spécifiquement attention, tandis que le public entre au Palais précisément aux pieds du monument.

Ce qui surprend le plus en y entrant c’est sa petite taille car cette chapelle est vraiment réduite, davantage que ne l’est une église paroissiale, mais elle est ainsi conçue que le regard est aussitôt happé vers le haut, en direction du ciel avec lequel se confond le plafond.

Pour cette messe de Saint Yves, c’est le Barreau qui est à l’honneur. Le public invité s’installe en premier puis le Barreau, en robe, entre en procession depuis la Galerie de la Présidence de la Cour d’appel précédant les célébrants eux-mêmes présidés par un évêque convié pour l’occasion.
Il y a dans cette procession comme un souvenir de messe de mariage, quand les invités se tournent dans l’église pour découvrir la mariée qui lentement remonte la nef, tandis qu’aujourd’hui c’est vers nous, avocats en robe, que se tournent les invités. Sans doute y a-t-il dans leur regard quelque curiosité tandis que je ne peux me départir d’une fierté non pas déplacée mais légitime.

Loin d’être une atteinte à la laïcité toute républicaine (la grand croix traversant les couloirs du Palais retombé dans la léthargie du soir, voici de quoi faire frémir les plus radicaux), cette messe s’inscrit bien plus dans une tradition séculaire dont la justice moderne – ou plutôt actuelle – porte toujours des symboles au travers de la robe. Les juges comme les avocats étaient des clercs, d’où la robe de couleur noire, et rendaient la justice au nom du roi, d’où les parements d’hermine. Célébrer une messe à la Ste Chapelle, au cœur du Palais de Justice, c’est invoquer doublement Saint Louis qui a voulu ce monument, qui résidait en ce palais et qui lui aussi rendait la justice directement.



Une fois le Barreau installé aux premiers rangs, la messe peut démarrer au son magnifié d’une chorale venue pour l’occasion, profitant de la sonorité exceptionnelle de l’ensemble. Les chants montent aux cieux dans une harmonie enveloppante et douce, qui porte la ferveur comme au paroxysme. Seules les églises du Moyen-Âge sont capable d’atteindre une telle pureté dans le son des chants comme si, quel qu’en soit le timbre, il se muait dans les aigus pour faire vibrer en nous toutes les cordes d’émotion jusqu’au plus profond de notre âme.

Le peu de recul à l’intérieur de la Chapelle, a fortiori étant assis aux premiers rangs, amène le regard, suivant le jeu des colonnes, à prendre de la hauteur pour se poser sur ce dais actuellement vide et initialement destiné à abriter les  Reliques. Deux escaliers en arrière de l’autel permettent d’y accéder mais ce n’est que très exceptionnellement qu’en grande procession ces reliques quittent le Trésor de Notre-Dame, parcourent les quelques centaines de mètres de parvis pour rejoindre leur châsse en hauteur de la Ste Chapelle. Même vide ce dais émeut sincèrement par ce qu’il représente dans l’Histoire.
Rendre la Sainte Chapelle à sa vocation première, la prière, même pour le temps d’une messe, c’est la faire revivre sans plus aucun repère chronologique grâce à l’intemporalité du costume religieux et judiciaire.

Et déjà c’est la fin, remonter la nef à nouveau en procession et retrouver la vie moderne brutalement, comme au sortir d’un rêve.


dimanche 17 mai 2015

Le voyage d'Espagne - Fin de route

1.5.5. Le genre de nuit à vous faire fuir d’un hôtel. L’insonorisation étant d’un autre âge pour ne pas dire qu’elle est inexistante, le moindre client qui circule dans le couloir ou parle à voix haute dans sa chambre peut être entendu par les autres chambres. Lorsqu’il s’agit d’un groupe scolaire entier qui s’agite dans le couloir la nuit vire à l’enfer jusqu’à faire intervenir les grooms.


Pour une dernière nuit en Espagne, celle-ci donne envie de faire sauter tous les verrous de tolérance que nous nous sommes imposés pour ce voyage jusqu’à se laisser aller à quelques critiques, y compris sur la qualité des produits servis lors du petit déjeuner. La règle en voyage est pourtant de se contenter de ce qui nous est proposé, de manger quand on peut et non quand on veut, force est d’admettre que face à l’adversité nocturne certaines vérités finissent par être bonnes à dire.

J’ai trouvé globalement le pain fade mais peut-être est-ce dû à la salaison des produits consommés avec. Un Français mange volontiers du pain nature, ce qui impose qu’il soit légèrement salé. Mais consommé avec une purée de tomate à l’huile d’olive et aillé, un pain salé pourrait être immangeable.

Les croissants au chocolat sont une expérience dont a posteriori je me serais volontiers passé. En revanche, le cafe con leche est délicieux, juste bien dosé comme il faut et agréablement consistant.



Fin de route. La frontière passée nous laisse comme orphelins, les réflexes franco-français doivent revenir, à nouveau faire face aux pratiques routières peu louables, éviter de parler Espagnol – à tout le moins de tenter de le parler – dans les magasins. D’un certain côté il y a l’aspect rassurant du retour au pays, de l’autre la mélancolie propre à la fin d’un beau voyage. Nous rentrons riches de ce que nous avons pu découvrir, des rencontres fussent-elles de simple passage, des paysages et des monuments, des ambiances et des odeurs, des goûts et des saveurs. Que d’images nouvelles gravées dans les lieux ou sur pellicule, en aquarelles. Nous ne rapportons ni livre ni souvenir, ce que nous avons engrangé permettant d’en constituer à suffire !


Le voyage peut maintenant se prolonger, bien sûr en revoyant les photos mais aussi en étudiant à partir des villes visitées, sur leur histoire, la description des monuments. Ce qui ainsi nous permet de découvrir qu’en entrant dans la cathédrale de Séville, la plus vaste d’Europe par son volume intérieur et non par ses proportions (St Pierre n’entre pas dans le classement, n’étant pas une cathédrale et restant totalement hors normes), nous en avons visité la partie gauche, le centre étant occupé pour la messe, tandis qu’à droite où nous ne sommes pas allés se tenait le tombeau de Christophe Colomb. C’est magnifique de côtoyer ainsi l’Histoire et si les pierres pouvaient parler il serait doux de les écouter. Se dire tout ce que ce monument a pu vivre comme événement, en être le cadre ou le décor.



2.5.15. A l’endroit même où j’écrivais il y a quinze jours que la route du sud était lancée, j’en suis à écrire que la route du retour est désormais entamée. Quitter la douceur du sud pour repartir vers ce qui nous est annoncé comme la grisaille parisienne. C'est la fin du voyage d'Espagne, commence maintenant la souvenance du voyage, celle qui va nous porter longuement et qui m'a donné le plaisir d'écrire et de décrire, par des mots et des images, un pays sur lequel j'ai désormais un regard neuf.

Fin du voyage.




Le voyage d'Espagne - Barcelone

30.4.15. Visite de Barcelone. Je ne suis pas retourné dans cette ville depuis 11 ans maintenant et je n’arrive toujours pas à m’émerveiller. La Sagrada Familiala est bien sûr un monument impressionnant, a fortiori vu le manque de recul quand on se trouve à ses pieds, au contraire de Notre-Dame de Paris dont le parvis offre lui le recul nécessaire à l’observer sous un angle idéal. Mais le bruit du chantier, cumulé à celui de la ville, le rende peu appréciable.
La circulation, bien que fluide, est assourdissante, si bien qu’il faut choisir entre étouffer fenêtre fermées dans la voiture ou être agressé par le bruit.



La Rambla si célèbre n’est finalement qu’une avenue ombragée comme une autre, bordée comme une autre de boutiques et peuplée encore comme une autre de stands de marchands pour la grande joie des touristes.
Le « Colom » est majestueux, ouvrant sur le port et renvoie à une Histoire ancienne qui force le respect. Le chauvinisme breton habitué aux récits de Jacques Cartier doit céder le pas, sans difficulté à vrai dire, face à l’empreinte dans l’Histoire de Christophe Colomb.
Déjeuner dans un restaurant de tapas, guidés par des amis locaux qui ainsi nous font profiter de produits locaux typiques qu’il est bon de pouvoir partager. Ces tapas sont décidément parfaits pour une ambiance conviviale.


Fin d’après-midi sur la plage, à profiter du soleil et du vent marin avant la fin des vacances. Dernier jour à pouvoir se croire en été de façon anticipée pour recharger les batteries avant d’attaquer les mois à venir.



Je ne pense pas être allé aux bons endroits de Barcelone pour apprécier cette ville, comprendre pourquoi elle est tant appréciée par ses habitants. Le circuit touristique ne mène pas dans les bons endroits, à moins d’y séjourner plus longtemps. Peut-être aussi au terme de 14 jours de visites étions-nous comme saturés, éprouvant le besoin de poser nos bagages, fut-ce un bref instant, pour prendre le temps de respirer au lieu de chercher à engranger.


Grande différence d’ambiance et d’accueil. Autant partout en Espagne nous avons rencontré un accueil chaleureux et aimable, bardé d’attentions pour le voyageur, autant ici le Catalan, tout à sa fierté, méprise le visiteur.


samedi 16 mai 2015

Le voyage d'Espagne - Traversée de l'Aragon

29.4.15. Journée de trajet assez longue entre Tolède et Calella, dans la région de Barcelone, au bord de la mer. Une route qui partant de Castille traverse l’Aragon puis la Catalogne.


Le paysage d’Aragon est d’une beauté sauvage parfois presque vierge, au relief surprenant sitôt dépassé Madrid. Tantôt des collines rondes comme des balles, tantôt des pyramides, tantôt des curiosités géologiques en strates ocres rouges. De-ci, de-là,  un château parfois en ruines qu’il se confond avec le relief dont ses pierres sont issues, ou un monastère, le tout souvent totalement isolé sans aucune autre forme d’habitation à proximité. Et la route qui passe, cherchant à se faire discrète.
Subitement, arrivés en haut d’un plateau, tout se transforme en un paysage de Beauce entièrement verdoyant, habité et irrigué alors qu’un instant auparavant c’était davantage une impression de Larzac aride.

Puis redescendant dans le creux de la vallée, à nouveau des paysages lunaires comme abandonnés. Une telle impression est renforcée lorsqu’à certains points de passage la route a été taillée dans le roc de la montagne plutôt que de la gravir, provoquant des saignées dont le mérite est d’admirer la teinte en profondeur de la roche et son organisation en strate, comme pour remonter dans le temps géologique qui court sous nos pieds.