vendredi 15 mai 2015

Le voyage d'Espagne - Tolède de nuit, Madrid

28.4.15. Toujours perché dans ce nid d’aigle de Tolède, version vespérale cette fois, face à un Alcazar illuminé tranchant sur le bleu sombre du ciel, la plume se fait rêveuse tandis que les pigments d'aquarelle sèchent en paix.



Madrid aujourd’hui, à moins d’une heure de route depuis Tolède. On pénètre dans l’agglomération madrilène en venant d’une campagne sans aucun signe avant coureur d’urbanisation si ce n’est l’encombrement de la route qui va se densifiant à l’approche de la ville. Et soudain, au détour d’un champ, les confins de Madrid se dressent. Ne sachant où aller, c’est confiant dans le hasard de la circulation que nous sommes parvenus jusqu’à un parking pour en sortir Plaza Mayor, magnifique quadrilatère ceint d’une colonnade fraiche peuplée de restaurants et de boutiques de goût parfois discutable.



En remontant une avenue, nous arrivons sur la Puerta del Sol dont la ressemblance avec Trafalgar Square sous un certain angle est amusante. Une grande place majoritairement piétonne où semblent se concentrer tous les cercles de la société madrilène mélangés d’une masse confuse de touristes.
Puis toujours poursuivant, le Musée du Pardo sur une avenue arborée distribuant une ombre généreuse, sur le parvis duquel une statue de Vélasquez assis au travail nous accueille.

Déjeuner dans un petit restaurant qu’il suffit pour trouver de sortir des avenues principales et remonter une petite rue latérale ; découverte incroyable du plat « arroz negro », du riz noir à l’encre de seiche servi avec une crème onctueuse.

Pendant que j’écris ces lignes, j’ai en face de moi un voyageur japonais isolé qui a colonisé le canapé du nid d’aigle de toutes ses affaires, peu importe si d’autres voudraient s’y installer, qui dine en gobant du jambon à même le paquet sans utiliser de couvert, une bière en boite pour délayer le tout, son Mac sur les genoux insensible à la nuit qui tombe autour de nous et du spectacle des monuments éclairés, totalement dénué de savoir-vivre quant à la discrétion sonore que le partage d’un lieu commun impose. L’apparition du joint du soir m’a fait sursauter, le rappel à l’ordre ne s’est pas fait attendre quand mon spécimen s’est installé sur l’escalier descendant à la terrasse, porte ouverte, pour consommer son stupéfiant qui, à ma grande hilarité, l’a placé hébété dans un état totalement second en quelques minutes à peine, mon humanisme dut-il en souffrir.




A Madrid, au détour du Prado nous entrons dans le Parque Del Retiro, tellement vaste que sous certains couverts arborés l’impression d’être en forêt s’impose. Les arbres ont une hauteur majestueuse qui force le respect tant elle évoque leur ancienneté.
Impossible en si peu de temps de tout voir comme le Palais de Crystal au nom charmeur, mais au moins l’étang et le monument à la gloire d’Alfonse XII. Rome a son monument dit la Machine à Ecrire, celui-ci en impose dans le style totalement excessif du culte de la personnalité post-mortem. La statue du souverain, dressé sur un cheval lui-même tête fière, est perché sur une colonne émergeant d’un péristyle en arc de cercle à colonnade gémellée, gardée par des lions dressés aux aguets.
Comme sur le Grand Canal de Versailles des petites barques circulent sur le bassin, pompeusement appelé étang, quand soudain une variété étrange de péniche se glisse, chargée de touristes, au milieu de toutes ces barques mais totalement en silence, hormis le brouhaha incongru des conversations à bord : la barge évolue à l’énergie solaire, son toit étant un vaste panneau photovoltaïque. Si l’idée est louable, je tremble d’imaginer notre vénérable vapeur de Séville transposé sur ce bassin, l’intérêt de circuler de la sorte sur un plan d’eau aussi modeste me laisse songeur, sauf à aimer dépenser son argent inutilement quand il est si simple et presque si rapide d'en faire le tour à pied.


Cette visite de Madrid aura été trop courte pour n’en voir qu’une infime partie et en apprécier le caractère, mais qu’il est bon de déambuler dans une capitale européenne, de pouvoir circuler aussi librement et ainsi découvrir de nouveaux lieux avec une telle aisance, quelque trajet finalement vite passé et une nouvelle ville est à portée de découverte.

Un retour aux plaisir du voyage itinérant d’autrefois, malgré la brièveté du temps imparti par les vacances.


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