mercredi 13 mai 2015

Le voyage d'Espagne - Séville (II)

26.4.15.  L’une des curiosités dans les hôtels est le comportement des gens qui se gavent au buffet du petit déjeuner. La diversité semble appeler à la gloutonnerie, mangeons puisque nous payons pour tout cela… Le plaisir réside pour moi dans un simple café accompagné d’un jus de fruit, mélange de couleurs dans le champ visuel associé à une forme de volupté.
Il y a dans cet hôtel un air de paquebot de croisière à l’ancienne que génère ce vaste hall qui s’élève jusqu’au plafond autour duquel circulent les coursives des étages illuminées par la lumière zénithale d’une verrière.


Le charme d’une croisière fluviale, dans un de ces vieux bateaux à touristes dont les vapeurs de mazout sortant de la cheminée refoulent dans la cabine au premier coup de vent contraire.
La tête derrière le hublot pour fuir la pluie qui s’est invitée, incongrue, les paysages tantôt urbains tantôt de berges aménagées défilent en douceur. Le raffut du moteur fait partie du plaisir, auquel ne semblent guère gouter les membres de cette famille de vacanciers, tous le nez plongé dans leur iPhone, qui pour lancer des SMS, qui pour jouer, l’air totalement désabusé prenant leur mal en patience. Effet conjugué de l’adolescence – parfois tardive ici – avec l’aisance matérielle qui ne semble que peu propice à l’ouverture culturelle.
Nous avons la chance d’avoir un vieux bateau dont l’intérieur est équipé de fauteuils confortables, ici un carré avec une table dont je profite plutôt que cette sorte d’aquarium tout vitré que nous venons de croiser. Et c’est déjà la fin, la fin du charme pour certains, la fin du calvaire pour d’autres !

Déjeuner en voyage suppose de s’adapter mais avantage de la mondialisation le choix finit par s’élargir. A ne pouvoir manger que des fritures, au bout d’une semaine force est de constater le manque de légumes. Les calamars peuvent être aussi délicieux que plastiques, secs ou gras. Le seul accompagnement ayant droit de cité semble les frites, exceptionnellement une portion de salade, assez chiche. Mention spéciale pour la paëlla, quand il n’est pas exigé qu’elle soit commandée pour deux convives, elle est à la hauteur de sa réputation et c’est heureux. Juste relevée comme il faut, avec divers accompagnements, fruits de mer, poulet, mixtes, légumes. Rare d’en trouver autant de variétés en France.

Plaza de Espana ! Si l’on établissait un classement des plus belles places au monde, celle-ci serait dans le haut du tableau. Nichée au creux d’un parc magnifique, souvenir de l’exposition Ibéro-américaine de 1929, la place se présente en demi-cercle dont le pourtour est composé d’un majestueux palais – que des services gouvernementaux ont su investir depuis – et en son centre une esplanade que rehausse agréablement un canal surplombé par quelques ponts. Si l’on observe en détail alors l'émerveillement cède la pas à l’admiration ; les balustrades sont ainsi en céramique, féérie de bleu, blanc et jaune (azulejos en Espagnol) jusqu’en haut des lampadaires.


Quand on fait le tour du canal, ce sont des rosiers qui enchantent la vue. Puis dans les pavillons du palais, le travail des artisans relève du merveilleux. Immenses escaliers décorés de céramiques aux motifs d’inspiration mauresque, dont le blanc nacré reflète la lumière dans un effet arc-en-ciel étonnant, festoyant, dansant.
Tout autour du palais, des carrés au nom des grandes villes d’Espagne auxquels répondent au sol extérieur des cartes des régions correspondantes, en mosaïques, permettent une visite céramique du pays.
Le pavillon central est devancé par un péristyle à colonnade de marbre blanc, avec un air majestueux qui permet de comprendre toute la saveur de l’expression « un château en Espagne »… Ce cadre enchanteur a précisément été utilisé à de nombreuses reprises par le cinéma.
Enfin au centre de la place,  un bassin à jets d’eau complète la composition agréablement, touche de fraicheur appréciable. Si l’envie vous prend, le recours à des barques vous permet de barboter sur ce canal en vous imaginant je ne sais où. Il serait déplorable en effet de se croire à Venise dans un lieu qui à lui seul se suffit sans avoir besoin de recourir au soutien d’un autre.


En vis-à-vis de la Place, le Parque Maria Luisa offre une végétation luxuriante incroyable, d’essences variées et d’une densité telle qu’elle permet s’extraire de la ville en absorbant pleinement le visiteur. Seul le pas cadencé des chevaux tractant les calèches vient perturber les chants des oiseaux dans cet espace hors du temps.




C’est dimanche, nous avons pu entrer dans la cathédrale qui tranche sur celles que nous connaissons en France par son manque de luminosité. Il n’y a que peu d’ouvertures dans ces murs massifs et la fraicheur n’en est que plus perceptible. La nef s’élève au rythme de piliers épais sans pour autant donner l’impression de ces forêts de pierre car en son centre, tel un naos égyptien, se dresse ce qui vu du sol paraît être un immense coffrage aussi haut que large qui abrite l’autel et les bancs des fidèles. Les côtés sont toutefois ouverts, le public étant maintenu à raisonnable distance par un cordon qui préserve le recueillement de la messe en cours.

Les chapelles d’absides sont toutes fermées par une grille, ce qui accentue l’effet sombre qui règne au niveau du sol. Contraste saisissant avec le plafond de la voûte qui lui est éclairé d’une lueur jaune ocre lui donnant l’effet de l’or. C’est donc spontanément avec les yeux orientés vers le ciel que nous avons circulé dans le parcimonieux espace accessible, ici encore les visites étant par essence payantes (en-dehors de l’heure de la messe dominicale).

A ce stade du voyage je ne peux que me renforcer dans l’idée qu’une bonne préparation suppose non pas seulement de s’assurer de l’hébergement et du circuit routier entre chaque étape, mais aussi et surtout de se pencher sur l’Histoire des régions traversées. Sans connaître l’Histoire, un monument n’est qu’un tas de pierres muet dont il est impossible d’apprécier l’importance, la subtilité, de comprendre son origine et son affectation. Ce que nous n’avons fait avant nous le ferons après, alimentant d’autant plus l’envie de revenir. Après tout, les savants qui accompagnaient Bonaparte dans sa campagne d’Egypte étaient tous incultes face à ces monuments dont personne ne comprenait encore le sens à cette époque, cela ne les a pas empêché de s’en émerveiller et d’en rapporter des planches qui aujourd’hui encore impressionnent par leur qualité.


Demain matin, ce sera au-revoir Séville, une ville qui jusqu’ici n’était qu’un nom associé à d’autres comme le Barbier, l’exposition universelle, sans s’être jamais concrétisé par aucune image. Ce que c’est sans doute de n’avoir jamais étudié l’Espagnol, je n’ai pour être franc aucune culture de ce pays qui désormais m’enchante. Cadix avant elle comme Gibraltar sont désormais devenus des souvenirs et évocations bien concrets. Il est bon de circuler ainsi dans des villes qui ont marqué de leur nom l’Histoire universelle ou la culture.


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