Le Blavet coule au travers du Morbihan, glisse ses méandres sous
les quais d’Hennebont et avant de franchir le Pont du Bonhomme pour entrer dans
la rade de Lorient, abrite dans une de ses courbes le cimetière de bateaux de Kerhervi.
Une vaste vasière accueille mollement des dizaines et des
dizaines de coques ayant fini leur voyage, venues ici chercher un repos tant
mérité que plus personne ne songe à eux.
La peinture s’écaille à disparaître, entrainant dans sa poussière
jusqu’au nom du bateau qui ainsi n’est plus qu’une coque.
Puis la mer et le temps qui passe, flux et reflux, se chargent de
ronger les bois. La coque s’effrite telle une peau qui tombe, laissant se
dresser vainement les varangues qui désormais prennent des allures de squelette
dont les côtes sont des bras qui n’enserrent plus rien.
Et la vase lentement absorbe ce qui reste, lentement, si
lentement que c’en est imperceptible et l’ancienneté du séjour ne mesure à la
hauteur de ce qui émerge encore.
Ici se côtoient ceux arrivés il y a si longtemps qu’il n’en reste
presque plus rien avec d’autres qui ont connu les Trente Glorieuses tandis qu’au
loin incongru dort un transrade dont la coque en bois s’effondre sous le poids
des superstructures métalliques rongées de rouille.
Toutes ces coques qui virent au noir de l’ébène sous les outrages
du temps demeurent à jamais immobiles sous le regard de celles, rutilantes de
couleur, mouillées à quelque encablure
dans la partie à flot du fleuve tandis que passent avec à peine un regard d’autres
coques qui filent rejoindre la mer ou majestueusement remontent vers Hennebont.
C’est la version marine d’autres vanités qui se joue dans cette
courbe du Blavet, dans une ambiance pourtant si paisible à jamais éloignées des
fureurs des tempêtes en mer.
Retour à la nature pour ces coques dont les bois sont venus des
forêts toutes proches et qui se désagrègent en douceur au pied de vallons
arborés…
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