jeudi 16 juillet 2015

Carnet d'un pèlerin - 3

Pèlerinage des pères de famille - Vézelay 2015 - Jour 3 sur 4
Second jour de marche, d'Avalon à Vézelay


Il y eut une nuit, il y eut un matin et ce fut le samedi. Tous tournés vers le clocher d’Avalon visible à travers les arbres, l’office des laudes vient ouvrir notre journée qui nous verra arriver à Vézelay.
La marche débute par une descente au travers de la forêt par un chemin chaque année plus raviné et accidenté, dans une chaleur déjà poisseuse du fait de l’humidité qui monte de la rivière en contrebas. Mais le parcours jusqu’à Vézelay n’est qu’une suite de collines puis de vallons et arrivés en bas il nous faut remonter et ce petit jeu va se poursuivre toute la journée, tantôt sous couvert d’une forêt, tantôt pleinement exposés sans un soupçon d’ombre.

La pause spi de la matinée se fait à une croisée de chemin, sous un arbre majestueux qui abrite un vieux calvaire autour duquel chacun cherche à se caler confortablement pour entendre le témoignage. L’effet de la veillée porte des fruits, certains qui n’osaient jusque là s’exprimer le font désormais avec une touchante sincérité.
Puis débute un temps dit des Pèlerins d’Emmaüs, marcher à deux pour échanger et se confier mutuellement une intention de prière à porter pendant le pèlerinage et même après. Là où les hommes se croient obligés de rester forts tels des piliers sur lesquels se reposent les autres membres de la famille, entre nous cette force est inutile et il est enfin possible de se reconnaître faible pour trouver le soutien dont chacun peut avoir besoin.

C’est alors qu’au détour d’une route apparaît enfin au loin la basilique de Vézelay ; dans la tradition des pèlerins d’antan nous nous arrêtons pour chanter le Salve Regina, sans se mettre à genoux toutefois car les ronces au bord de la route ont si bien poussées qu’elles masquent désormais la vue !


Que la montée qui suit est difficile ! Sans ombre il faut rejoindre Tharoizeau situé sur une hauteur pour le dernier pique-nique de la route. La faim n’est pas toujours de la partie, sauf pour ceux qui ont encore quelques produits frais.
Dernier temps spi avant de reprendre la route et c’est à moi de faire un témoignage sur le thème « qu’est-ce qu’être chrétien au XXIème siècle dans la vie de famille, la vie professionnelle et la vie en paroisse ».

De Tharoizeau le chemin n’est plus que descente au travers des vignes, passant par des petits hameaux charmants, encore des champs et toujours la basilique en point de mire.
A force de descendre notre chemin s’arrête au bord de la Cure, la rivière qui coule au pied de Vézelay en traversant Asquins. L’eau vive que pousse un courant vif mais calme est plus que fraiche mais quel délice de pouvoir se laver et de sentir le froid chasser les tourments de nos épaules et apaiser le feu des pieds.
Tous les pèlerins, de pères de famille redeviennent gamins du village en s’ébrouant dans cette eau qui fait oublier les efforts de la marche.


Le campement à Vézelay réunit tous les chapitres, répartis cette année sur deux champs compte tenu de l’accroissement de la participation. L’emplacement du bivouac toutefois n’offre plus comme auparavant la vue sur la basilique mais sur l’église paroissiale située à mi-pente de la colline.

Le samedi soir ont lieu les temps les plus forts de tout le pèlerinage, à commencer par l’entrée dans la basilique Ste Marie Madeleine en chantant. La résonnance alors que la nef est vide ou presque, juste quelques touristes dont les yeux face à ce groupe oscillent entre surprise et inquiétude (eh oui !) est magique, surtout lorsque l’organiste qui répète à son clavier se joint à nos chants.
La procession remonte la nef puis en contournant le chœur rejoint la chapelle de la Vierge située tout au fond, au pied de laquelle tout le chapitre tombe à genoux, enfin arrivés !, dans un chant dont les accents mêlent action de grâce et joie. Comme chaque année je suis frappé de voir nos aumôniers en aube, à genoux et accrochés aux grilles de la balustrade dans une ferveur intense.


Puis nous descendons dans la crypte pour un temps de bénédiction individuelle. Il faut se représenter ce lieu très bas de plafond, reste le plus ancien de l’église primitive, peu éclairé, au sol presque brut de pierre taillée grossièrement à même le roc, le plafond composé de voûtes romanes soutenues par des piliers comme une forêt, à peine quelques bancs et d’un côté un autel, de l’autre dans une niche que protège une grille le reliquaire de Marie-Madeleine.
Nous entrons par un escalier voûté si bas qu’il faut se plier pour pénétrer, puis dans la pénombre en chantant nous soutenons par la prière nos frères qui l’un après l’autre se présentent devant les prêtres pour présenter une intention de prière ou demander une grâce et enfin à genoux recevoir la bénédiction.
L’intensité de l’émotion de cet instant dépasse tout ce que les mots peuvent décrire et se traduit par des larmes que presque tout un chacun va verser dans l’ombre protectrice d’un pilier, parfois soutenu par une main posée fraternelle sur l’épaule. C’est en réalité une joie sans fin, si intense et si profonde qu’elle déborde et ne peut plus être contenue.


Et cette joie va ensuite s’exprimer dans le cadre plus profane du bistrot de la place où l’amitié nouée pendant ces trois jours va s’exprimer avec force rires, yeux pétillants et déjà remerciements réciproques.



Mais déjà il est l’heure de rentrer à nouveau dans la basilique vers laquelle les autres chapitres convergent dans un chahut de cours de lycée, pour rentrer à l’appel de leur nom en criant sa joie. Les marches avalées plus que gravies, la procession se forme dans le narthex puis à rythme lent pénètre dans la nef au son des chants lancée par la chorale improvisée. 1 500 pèlerins entrent ainsi jusqu’à l’autel pour s’incliner devant l’icône de Saint Joseph, patron des pères de famille, puis retournent dans la nef s’asseoir à même le sol, épuisés et les articulations douloureuses.


La messe qui suit est puissante, chacun se lâchant comme jamais pour faire résonner les chants jusqu’à en soulever la voûte, en profitant de la sonorité magnifique, unique, de la basilique.
Que le chant soit joyeux ou recueilli, l’impression produite par cette ferveur partagée reste la même qui chatouille jusqu’à la moelle. Et que ceux qui n’ont pas encore pleuré leur joie le fassent alors !

Cette messe est pour beaucoup et j’en fais partie le point d’orgue du pèlerinage car elle ne réunit que des hommes qui ont pris part à la marche, contrairement à la messe du lendemain. C’est la seule messe qui me soit donnée dans l’année à laquelle ne participent que des hommes avec la dimension sonore particulière que cela implique.

A l’issue de cette messe, chaque pèlerin peut au choix rester pour l’adoration du Saint Sacrement exposé sur l’autel, profiter des prêtres présents dans le déambulatoire pour recevoir le sacrement de réconciliation – ce que nous faisons en marchant pour notre part – ou retourner au bar de la place qui voit en quelques heures son chiffre d’affaires exploser. Il n’y a dans ce cadre aucune hérésie à passer de la messe au bistrot car c’est le moment où la fraternité peut librement s’exprimer, débarrassée de l’épreuve de l’inconfort et de la fatigue. Ce temps au bistrot s’inscrit naturellement dans le prolongement des autres temps en donnant à chacun l’occasion d’exprimer son ressenti, de partager ce qu’il a reçu pendant ce pèlerinage, en un mot comme en cent laisser parler son cœur.



La nuit étant tombée, le retour au campement peut se faire en accompagnant la procession aux flambeaux qui encadre le Saint Sacrement vers son lieu d’exposition nocturne ou en rentrant joyeusement vers sa tente en partageant une collation qui renforce les corps et réchauffe les esprits.


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