dimanche 23 septembre 2018

New York, les yeux en l'air


New York sonne comme des superlatifs que l’on alignerait sur une feuille de papier, elle est de ces villes  qui font cligner les yeux, déclenchent tous les fantasmes, stimule les envies.
Ceux qui n’en ont jamais foulé les trottoirs s’en font une opinion toujours magnifiée et imaginent des rues pavées d’or où tout est possible pour qui a suffisamment de volonté.
Il y a quelques capitales particulièrement marquantes dans le monde et New York est de ce petit monde.
Je suis arrivé à New York avec les yeux gourmands d’un voyageur avide de découvrir le plus possible, s’attendant à être à chaque pas émerveillé. Ne boudons pas le plaisir de l’excitation du premier contact, dès l’aéroport dans un Yellow Cab, du premier gratte-ciel, du premier nom reconnu. On n’arrive pas naïvement à New York la première fois, il ne peut y avoir de regard blasé chez un primo visitant.



On peut décrire la joie de voir ces noms célèbres, Madison Avenue, 5th Avenue, de franchir Central Park par son souterrain, de se trouver noyé dans une marée jaune de taxis.
Jamais je ne me suis ennuyé ni lassé du spectacle, il y a bien une magie New York.



Mais, car il y a un mais quand une description commence ainsi, sans nuage, mais je n’ai pas vu de ville fantasmé, la sensation d’être transporté dans un ailleurs improbable, au-delà de ce que l’imaginaire aurait pu créer.
Car on ne connait que trop New York, il y en a assez de photos, pléthore d’articles, débauche de films qui s’y déroulent, il est possible de partir en ayant une vision claire de chaque lieu. J’aurais pu dessiner Times Square sans y être allé.

Cette connaissance pré-acquise est nuisible à une découverte que l’on préfèrerait ex nihilo.





Il n’y a pas de satiété pour autant car New York, au-delà d’être iconique et de pleinement jouer ce rôle, est de ces villes qu’il n’est pas aisé de visiter. Il faut le temps du voyage, le budget, ce qui la sépare d’une autre capitale iconique qu’est Londres que l’on atteint plus vite et pour un prix moindre. Alors il est impossible de se promener sans se faire la réflexion « j’y suis, c’est incroyable ! », comme un voile d’émerveillement qui éblouit les yeux.
Se promener dans New York revient à rêver éveiller, les yeux au ciel, dans une étonnante verticalité.





Je n’ai pas fantasmé cette ville mais pleinement goûté et même savouré le plaisir d’y être. J’ignore si je m’étais fait de fausses idées sur New York, en tout cas j’en ai fait une vraie découverte choc.
C’est l’expérience New York que chacun vivra à sa manière, foyer d’émotions propres, richesse de chaque instant.










lundi 17 septembre 2018

Carnet de Berlin : samedi et dimanche


A quelques stations de métro et de train en partant de l'hôtel, cap sur Alexander Platz, au-lieu du shopping à Berlin mais aussi implantation de la tour de la télévision, la Berliner Fernsehturm, grosse boule de billard embrochée sur un pic sans fin.
L’ascenseur grimpe à 203 m de haut à la vitesse de 6 mètres par seconde... Avouons-le tout de go, la tête tourne en arrivant en haut, bien plus que dans l’Empire State Building ou le Rockfeller. 


La vue à 360 degrés est comme toujours en ces cas-là impressionnante, d’autant que les hublots sont orientés vers le bas, ce qui offre une vision dégagée et lointaine. Sujet au vertige je vais me contenter d’un regard au loin ! Quand le soleil brille, la boule reflète une forme de croix qui perturbait fortement le pouvoir communiste du temps de la RDA ; ils ont bien essayé de modifier le revêtement de la boule mais en vain et aujourd’hui la croix reste clairement visible.



En redescendant nous atteignons la Spree qui traverse Berlin, dont les quais à l’ombre permettent de profiter de la vue sur le Berliner Dom.
Croiser des musiciens de rue est chose courante pour qui voyage, mais ici ils sont élégants et préfèrent jouer de la musique classique plutôt que de beugler au nom de l’art. L’ambiance est parfaite pour entrer sur Museuminsel, l’île des Musées, s’installer sous les arcades du parc de l’Altes Galerie dressée comme un temple grec, profiter de ce calme arboré, ces pelouses qui appellent à s’y allonger. 





C’est le moment d’aller visiter les collections égyptiennes, mais pour cela il faut se référer à un précédent article de ces carnets déjà publié.

En sortant du musée parmi un champs de travaux, la chaleur se fait étouffante et le moindre coin d’ombre à son prix. Un café original nous accueille dans un site Microsoft, sous l’enseigne Digital Eatery.

Pour circuler il faut vraiment choisir les rues dont les trottoirs sont à l’ombre et éviter ainsi de fondre sur place. C’est ainsi qu’à force de détour apparaît la Gendarmenmarkt, encerclée de ses deux églises aux clochers à dôme et entre les deux la grande salle de concert. Sur les marchés deux musiciennes interprètent Mozart au violon et violoncelle, parenthèse magique d’un concert en plein air. 


Est-ce la chaleur ou le mois de juillet, Berlin nous paraît vide, toutes propositions gardées bien sûr. Loin d’être une critique, une capital dans laquelle on ne se sent pas oppressé est évidemment un pur plaisir.


Pour le dîner nous avions repéré un restaurant de poissons près de Gendarmenmarkt, Seaside. Il faut le vouloir car la correspondance entre deux lignes ne se fait pas par souterrains mais en sortant et en traversant tout Potzdamer Platz, sous une pluie drue.
Dans le même temps, tous les participants de la gay prise locale sortent pour prendre le métro, costumes bariolés, déguisements, drag quels, hommes et femmes à moitié nus, dans une ambiance pour le moins surprenante et éminemment alcoolisée. 

Le concept de Seaside est de choisir des morceaux de poissons présentés comme à la vitrine d’un poissonnier, qui seront ensuite cuisinés et servis à table. Il est difficile de traduire, même de l’anglais, toutes les variétés qui sont proposées, à part octopus ; c’est donc l’aspect visuel qui commande le choix.

Le revers de la médaille est le prix, le poisson étant vendu au poids que l’on ne maîtrise pas. 


Nous revenons près de l’hôtel dans ce restaurant grill pour prendre le dessert. Ici le Virgin Mojito s’appelle un Mosquito, on sert un Tartuffo presque aussi bon qu’à Rome et le Tiramisu est servi comme à Naples : l’Europe sur la table !
Comme je dessine une grande fresque murale représentant une femme qui parait andalouse, le patron vient regarder mon carnet et nous emmène voir toutes les fresques du restaurant, y compris dans des salles non ouvertes aux clients, toutes sur des thèmes mexicains. Il y a une magnifique représentation d’un combat de Cortès et ses Espagnols contre les Incas.

L’orage de la nuit suffira à peine à faire baisser la température toujours aussi caniculaire.


L’idée ce matin est d’aller faire une promenade en bateau. Pour cela nous prenons le métro vers Alexander Platz quand une jeune femme entre dans le wagon et commence à se déshabiller devant tout le monde… On aurait pu penser qu’elle se changeait simplement mais non, elle s’assied et reste top less pendant le reste du trajet.

Il fait chaud et malgré l'heure matinale le soleil tape déjà bien. Dans ces bateaux découverts en été on vous prête des parapluies pour servir d'ombrelle ; le bar du bord vous accueille en servant des boissons à un prix étonnant par rapport à ce qui se pratique à Paris en zones touristiques.
En naviguant on se rend compte combien Berlin est une ville verte. Tiergarten est un jardin immense, dont finalement nous n'avions vu qu'une toute petite partie, qui s'étend jusqu'aux bâtiments de la Chancellerie construits après la réunification et que les berlinois appellent la machine à laver, en raison de sa forme.
Quel plaisir de naviguer ainsi, en sentant la fraicheur qui monte de l'eau ou qui tombe de l'ombre des arbres pour compenser la température extérieure...


C'est aussi une ville propre, peu bruyante (à moins que cela ne soit du au fait qu'en été il n'y a pas grand monde qui circule...) sauf quand les pompiers passent en déchirant l'air de leurs sirènes.
On sent partout la dimension internationale de la ville  tout le monde parle anglais naturellement, dans la rue comme dans les restaurants ou les bars. L'accueil des touristes est très poussé et soigné et Paris souffre terriblement de la comparaison. A ce stade, ce ne sont pas des efforts que doivent faire les français mais un travail colossal pour se mettre à niveau, et il serait grand temps.

Le métro est propre et lumineux, donnant un sentiment de sécurité. Les wagons sont larges, on peut y entrer avec un vélo. Il n'y a pas de tourniquet à l'entrée des quais, juste des distributeurs mais la culture allemande, disciplinée naturellement, permet cet auto-contrôle. Quelle différence de cultures par rapport à la France.


Un dernier plaisir en passant par l'hôtel pour récupérer nos bagages : une bonne glace Mövenpick dans la grande salle à manger vide, juste pour nous ; nous ne pouvions quand même faire l'impasse quand on réside dans l'hôtel éponyme !


Fin du voyage, nous voici d'un rapide trajet de taxi à l'aéroport. Ici, pas de terminal, juste un numéro de porte de départ pour passer des contrôles de sécurité ciblés par vols, ce qui fluidifie le passage sans faire la queue.
Un vol sans histoire, très rapide finalement et qui nous rappelle combien Berlin n'est pas si éloigné de Paris, comme une incitation à y retourner plus souvent !

Auf wiedersehen Berlin !!





mardi 11 septembre 2018

Carnet de Berlin : vendredi et samedi


Durant les 7 années scolaires pendant lesquelles j’ai appris l’allemand, la ville de Berlin revenait dans les cours de culture germanique ou d’Histoire, sans que je ne n’y sois jamais allé. 
C’était alors la guerre froide, l’Ouest faisant face à l’Est et Berlin était une enclave dans le bloc adverse. 
Berlin c’était aussi 1933 et l’incendie du Reischtag, 1936 et les jeux olympiques, 1945 et l’entrée des Russes, 1948 et le pont aérien des américains, 1961 et l’édification du mur. 
Ce n’était pas encore 1989 puis ce fut le 9 novembre 1989, vécu en direct et l’explosion de joie qui a traversé l’Europe. 

Berlin pendant ce temps était pour moi des images et des évocations historiques, mais qui ce sont avérées être à 1000 lieues de ce qui m’attendait vraiment. 


4 heures du matin le réveil sonne, l’avion atterrit à Tegel à l’heure à laquelle une journée de travail ordinaire n’a pas encore commencé. Aujourd’hui le commandant de bord est une femme et je confirme que cela n’a rien d’extraordinaire, l’avion ayant été parfaitement piloté. 
Il fait déjà chaud en attendant le bus et ce sera pire le temps de se perdre dans la gare centrale pour trouver le bon quai de métro en l’absence d’indication explicite. 


Dans un voyage la découverte du lieu d’hébergement est une composante importante de l’émotion ; le Mövenpick est un 5 étoiles à la façade sur rue rose, dont le grand escalier est parcouru d’un lustre qui d’en bas paraît un tuyau sans fin. 
La chambre est vaste, en sous-pente que compense une grande hauteur de plafond. Une paroi de briques de verre sépare la salle de bains du reste de la chambre, touche moderne dans un environnement classique. 


A peu de distance le premier point attractif est Check Point Charlie ou plus exactement sa copie car l’original a disparu après 1989. Les panneaux trilingues rappellent qu’ici passait une frontière, dont le tracé parfois est visible au sol. On ne peut être qu’ému face à la puissance de l’évocation historique : plus loin vers Tiergarten nous verrons ces plaques votives rappelant le souvenir de ceux qui ont perdu la vie en cherchant à tout prix la liberté au-delà du mur. 

Les morceaux de mur que l’on voit deci-delà ont une grande semelle d’un côté et une courte de l’autre ; la partie allongée était à l’ouest et son extrémité marquait la limite frontière, le mur et sa base étant à l’est. Derrière s’étendait une large partie vide, no man’s land aussi appelé zone de la mort, puis le mur face à l’est avec ses barbelés et ses miradors. C’était ça Berlin il y a encore 30 ans. 


Se perdre dans une rue en cherchant à rejoindre Unter Den Lienden, encore un nom gravé dans ma mémoire depuis le lycée. On est là du côté de l’est, ce qui permet de voir l’impressionnante ambassade de Russie qui garde figés dans la pierre les marques de l’époque soviétique. 
De là s’ouvre le point de vue sur la Porte de Brandebourg (Brandenburger Tor ici), dont les préparatifs d’un concert rock masquent la base. Tout autour sont désormais installées les ambassades majeures, celles des USA faisant face à celle de France, sur une place élégante et arborée. 

En quête d’un peu d’ombre sous les 30’ qui tapent allègrement, nous remarquons tous ces touristes qui déjeunent dans Tiergarten, près du Reischtag, d’un hot-dog : allons-y pour tester à notre tour mais inutile de chercher à prendre plus !

Bien calés, il nous reste plus qu’à retourner à l’hôtel faire la sieste...




Arrivés à Postdamer Platz, rien de tel que de profiter d'une bonne glace ; je ressors mes souvenirs d'allemand, usés à Vienne il y a 2 ans de cela, pour demander un café. Le serveur me demande en anglais d'où je viens, Paris, et me répond sans le moindre accent "parlez français, ça vaudra mieux pour vous !" (en français dans le texte, bien sûr). La glace est brisée, c'est le cas de le dire, celle qui nous sera servie le sera avec un immense sourire.


Cela ne paie pas de mine quand on est sur la Postdamer Platz, juste quelques vitrines de magasins, mais quand on franchit les portes du Berliner Mall, le choc est de taille. Certes un centre commercial comme on en voit d'autres un peu partout, certes un peu grand, un peu haut que le regard s'y perd, mais un je-ne-sais-quoi d'exceptionnel, cette grande piazza vitrée qui relie les deux immenses bâtiments du centre dans lequel les terrasses des restaurants laissent la place à une grande piste de danse animée chaque jour de l'été pour un cours open d'un style différent.


Au soir venu, nous allons dîner près de l'hôtel dans un restaurant grill qui vante en vitrine ses viandes d'Argentine. Goûter un boeuf Black Angus avec ses saveurs grillées est un pur plaisir...


Le patron omniprésent dans le restaurant l'est aussi sur la carte en photo comme en vitrine. Je croque son portrait d'après sa photo, ce que les serveurs repèrent et lui indiquent ; je le vois alors venir s'installer non loin de moi, essayant de voir le résultat en dessin. Alors je le lui montre pour qu'il le signe et lui, ravi, le montre à toute sa famille qui travaille avec lui. Comme prix de ce dessin il nous offre des verres de tequila frappée, qui brûle bien les intérieurs...



Au petit déjeuner, j’aime à regarder cette structure de verre et métal qui me rappelle celle rencontrée à Naples, verrière coulissante qui recouvre la cour transformée en salle à manger. Le buffet installé dans une salle annexe offre un panel de charcuteries, pains varies, fruits et plats chauds. 
J’adore observer les gens au petit déjeuner dans un hôtel, ils prennent toujours plus qu’ils n’en ont besoin, simplement parce que le buffet offre un choix si large qu’on voudrait tout goûter. Je regarde cette vieille dame très chic se préparer une tartine de lames de gruyères surmontées de tranches de lard, avec une technique si maniérée qu’elle en devient hypnotique. 
Ici on peut prendre du miel tiré directement d’un rayon de ruche.


Et nous voici prêts à partir visiter Berlin, mais ceci sera raconter dans une seconde partie de ce carnet !

mercredi 5 septembre 2018

Collections égyptiennes du Musée de Berlin


Notre séjour à Berlin en juillet 2018 nous a donné l'occasion d'aller visiter le Neues Museum, dans Museuminsel (l'Ile aux Musées), consacré aux collections antiques et plus particulièrement égyptiennes. Ce musée a la particularité d'être entièrement décoré comme le serait un vieux bâtiment portant encore les traces de peintures murales inspirées par l'Orient. Pris par la main dans un tel décor, le visiteur est ainsi transporté littéralement vers un ailleurs magique, loin de l'Allemagne, loin dans le temps.


Au bout du parcours de ce musée il est bien entendu un clou su spectacle, la pièce maîtresse qui à elle seule attire les visiteurs comme la Joconde le fait au Louvre. Il faut pour cela parcourir les autres salles, monter les étages car elle se mérite cette pièce. Il faut surtout prendre son temps pour y arriver car elle est précédée de pièces exceptionnelles des collections allemandes qui, rappelons-le, portent entre autres trésors sur le résultat des fouilles de Tell el-Armana, la capitale enfouie de Ackenaton et son épouse Nerfertiti. 
Ainsi avant d'entrer dans la fameuse pièce, on peut voir cette série de têtes représentant la famille du pharaon, notamment ces princesses représentées avec une tête comme un obus : des recherches récentes tendent à démontrer qu'il ne s'agit pas là de la représentation de déformations provoquées par les mariages incestueux mais bien plus d'un code artistique permettant d'identifier à coup sûr un membre de la famille royale.



Un pas de côté permet maintenant d'apercevoir l'une des plus belles, des plus troublantes pièces de toute l'égyptologie : le buste de Nefertiti.
On le voit d'abord de profil, majestueux, altier presque dédaigneux vu sous cet angle. A partir d'ici les appareils photo sont interdits et inutile de chercher à sortir discrètement son téléphone, les gardiens sont étonnamment vigilants et décèlent très vite les tentatives.
En anglais je demande si j'ai le droit de dessiner, en restant en technique sèche. "Mais bien sûr ! et si vous le désirez, il y a au 1er étage des chaises pour les dessinateurs"... La plupart des grands musées connaissent bien leur  rôle dans l'apprentissage de l'art comme de l'Histoire qui passe par le dessin et la copie des grands maîtres. D'autres moins anciens n'ont pas compris cela et bannissent les dessinateurs.


Quand on dessine une oeuvre on dialogue avec elle. Il n'en ressort pas dans le dessin une simple copie mais la traduction d'une émotion avec ce que les mains ont pu faire.
Face à Nefertiti il y a comme un privilège de pouvoir dessiner car les photos étant interdites, même de loin, c'est le seul moyen de capturer sur place une image de cette oeuvre étonnante. Ceux qui ne dessinent pas iront acheter une carte postale à la boutique.


Bien sûr je connais le débat sur l'authenticité de cette oeuvre, qui a été sculptée dans le plâtre autour d'une pierre par le sculpteur officiel du pharaon Ackenaton, Thoutmosis, au 14ème siècle AC.
On s'étonne de l'absence d'un oeil mais il n'a jamais été posé : ce buste est un canon de référence pour toutes les reproductions officielles de la reine et ses proportions sont absolument parfaites au regard des codes utilisés alors par les égyptiens qui utilisaient un doigt comme référence pour les proportions artistiques.
La polémique lancée en 2009 repose sur l'idée que ce buste est trop parfait, en trop bon état en comparaison avec un autre retrouvé juste à côté qui lui est défiguré. Ainsi l'historien suisse Stirlein affirme-t-il qu'il s'agit d'un faux, créé par l'archéologue allemand Borchardt en 1912 et montré par erreur aux membres de la famille impériale en visite sur le site par un ouvrier trop empressé.
Par ailleurs le buste a les épaules coupées droit, ce qui ne se faisait pas à l'époque.
Mais les analyses scientifiques faites récemment ont permis de prouver que la composition du plâtre, celle des pigments de peinture, sont exactement celles employées à l'époque de Nefertiti (les compositions changeaient alors d'une époque à l'autre, permettant aujourd'hui de caractériser scientifiquement la datation d'une oeuvre), tout comme la référence du doigt pour les proportions. Or ces notions de composition et de proportions n'ont été découvertes que grâce aux progrès de la science et bien après 1912, de telle sorte que Borchardt ne pouvaient pas les connaitre lors de ses fouilles.
Quant aux épaules, le Neues Museum détient dans ses réserves un autre buste aux épaules coupées droit, un buste d'Ackenaton donc de la même époque.


Quoi qu'il en soit, reste une certitude à mes yeux : l'émotion ressentie devant cette oeuvre est immense, elle est palpable comme celle que j'ai pu avoir devant les Monet lointains du Metropolitan Museum de New York.
Une reproduction ne crée pas cette même émotion et ce buste est tout simplement exceptionnel par sa qualité, sa finesse dans les détails que mes croquis ne sauraient rendre. Nous sommes sortis bouleversés de cette salle, riches d'avoir eu le privilège de passer quelque temps devant cette oeuvre évidemment majeure.




Le reste du musée apporte ses merveilles aussi, aussi bien sculptures, pièces anciennes comme ce casque de gladiateur mais aussi documents.
Ainsi ce livre en français ouvert, où l'on découvre qu'il s'agit d'un original du livre dans lequel Champolion explique sa méthode pour décrypter les hiéroglyphes, qu'il compare à celé d'un autre scientifique indiquant que ce raisonnement permettra de décider "auquel des deux cette découverte appartient"...




L'émotion est encore là quand on découvre des pièces célèbres dans l'histoire de l'art et dans l'égyptologie en particulier, celles relatives à la période Armanienne et ses suites : ce que l'on a appelé "l'hérésie d'Aton" comme ici où l'on reconnait du premier coup d'oeil Ackenaton avec son profil étiré et la reine, Nefertiti donc, célébrant ce culte.


Et encore cette scène touchante d'un jeune couple où l'on reconnait la forme oblongue du crâne de la princesse et le ventre tombant du prince, typiques de l'art armanien voulu par Ackenaton. Ces couleurs particulières de la coiffe, mais aussi cette canne sur laquelle s'appuie le prince, laisse à penser qu'il s'agirait bien d'une représentation du futur Toutankhamon et de son épouse Ankhesénamon, dans une attitude ici qui rappelle celle que l'on retrouvera sur le dossier du trône en or de Toutankhamon.


Ce Neues Museum contient probablement la plus belle collection d'art égyptien qu'il m'ait été donné de voir à ce jour, en attendant de pouvoir aller au Caire. Sa visite complète celle que l'on peut faire plus facilement du Louvre dont le département d'égyptologie est déjà bien fourni, sans pour autant détenir une telle concentration de pièces majeures. 
Berlin aura été une visite exceptionnelle, tellement enrichissante qu'elle mérite d'être refaite et prolongée.