lundi 17 octobre 2016

Il faut voir la Bretagne par grande marée


Il faut voir la Bretagne par grand vent, quand la mer semble vouloir gagner plus de terrain sur la terre que ne le prévoit la marée. Les arbres semblent peignés en direction de la terre ; les roches sont des tranches découpées et posées les unes sur les autres sur lesquelles la mer glisse dans le travail de sape de l’érosion.

C’est depuis la mer en remontant a côte que le paysage de Kerroc’h avait attiré mon attention. Nous allons souvent en promenade vers Lomener juste à côté dans l’Est, ou vers Fort Bloqué dans le Nord-ouest, mais entre les deux s’étire une lande que nos pas n’avaient pas encore foulé.
Les sorties en mer sont ainsi d’excellentes occasions pour repérer des sites où revenir plus tard et quand on y arrive les perspectives sont radicalement différentes, comme un autre lieu.


A Kerroc’h sur la Pointe du Talud, est-ce l’humidité des grains tombés violemment le matin qui fait effet de loupe, l’île de Groix paraît bien proche et la passe de l’Ouest, terrain de jeu des navigations de l’été semble avoir rétréci.
Le vent nous prend de face, porteur d’embruns qui rapidement se matérialisent sur les verres de lunettes vite mouchetées d’auréoles. Le vent qui fouette mais sans agressivité, sans chercher à vous renverser. Juste ce qu’il faut pour revigorer le corps et l’esprit, décrasser les poumons d’où la pollution se trouve chassée par cet air salin chargé d’iode et d’énergie.
La mer creuse son chemin dans une roche qui paraît si solide vue d’en haut, à faire fuir les marins, mais qui se laisse creuser, tailler, si friable tel le géant aux pieds d’argile.



Il est bon de s’engoncer dans une veste de quart bien étanche, remonter le col doublé de polaire pour être dans un cocon bien au chaud, exposé à la force des éléments que l’on peut admirer sans avoir à les subir. Ma barbe s’en ébouriffe de plaisir tandis que mes mains tremblent en dessinant.

La respiration de la mer est longue au loin, saccadée près de la côte où elle se brise, éclate en gerbe dans le ciel ou court sur un bout de plage, se glisse en furetant dans les interstices de la roche. Ce spectacle vire à l’hypnose quand on s’assied bien calé, les yeux se noient dans tant de beauté, spectacle gratuit qu’offre la nature généreuse de Bretagne.


Changement d’ambiance le lendemain matin le long de la plage de Larmor. La mer est basse, le vent s’est calmé en laissant quelques nuages pour meubler le ciel. Un dimanche, tout ce que les plages comptent de dériveurs et voile légère est de sortie. Les voiles colorées des catamarans de sport font concurrence aux spis chamarrés des voiliers. Une flottille digne d’un jour d’été qui profite d’une accalmie pour se secouer les voiles.


Le paysage du goulet de la rade de Lorient, de la citadelle de Port-Louis au garde à vous comme à la parade, font oublier par magie l’odeur prenante de la grande marée basse.

Là-bas dans le port mon voilier doit être sur le point de toucher la vase du fond du bassin avec un tel coefficient de marée, qui ne laisse que 40 cm au-dessus du zéro des cartes.
Hier déjà quand nous sommes passés le voir, le quai m’est paru bien haut depuis le ponton quand il a fallu remonter le moteur pour l’hiverner.
Et avant de prendre la route nous irons encore veiller à ses amarres et lui faire un signer, comme on flatte l’encolure d’un cheval après une promenade on caresse son étrave en lui disant à bientôt.


Les week-end en Bretagne sont toujours trop courts quand on habite loin, mais ils sont si riches en émotions qu’on ne s’en priverait pour l’or du monde.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire