C’est un voyage comme on les aime, de ceux qui commencent en pleine nuit quand les yeux gonflés de sommeil mais le coeur alerte on boucle les valises, la voiture attend au pied de l’immeuble, traverse la ville déserte pour vous déposer trop tôt à l’aéroport.
Mais qui veut voyager tranquille n’est jamais en avance : il respecte le pied de pilote et profite du temps surnuméraire pour faire sans se presser ce que d’autres moins prudents font en catastrophe.
Un accueil chaleureux par Brussels Airlines qui se termine glacial avec l’annonce d’un problème sur le vol mais, ne vous inquiétez pas, nous allons vous mettre sur une autre compagnie. Le temps de s’imaginer volant sur quelque compagnie charter avec nos valises sur es genoux et nous voici renvoyés vers Air France, en grève ce jour-là et depuis un terminal situé au parfait opposé dans l’aéroport. Et c’est là que l’idée d’arriver en avance trouve son intérêt, même si à une heure où les corners à café ne sont pas encore ouverts ce n’est pas la foule qui empêche d’avancer rapidement.
Ce qui pourrait se révéler des incidents de voyage s’enchainent comme des perles ; après le vol transféré sur une autre compagnie qui fait la liaison directe (là où nous devions avoir une escale à Bruxelles), c’est un des passeports qui indique une anomalie nécessitant de passer par une autre file, celle où il n’y a aucune attente ; puis le contrôle aléatoire des passagers avant embarquement pour lequel notre fille aînée est appelée et qui nous vaut d’entrer dans l’avion avant tout le monde.
Et nous voici prenant place sans être pressés par ceux qui arrivent derrière, sur des places situées juste à l’arrière d’une cloison ce qui permet d’étendre ses jambes à l’aise sans craindre que le passager de devant, en baissant son siège ne vous colle son dossier dans le nez.
L’inconvénient d’être au milieu de l’avion est de n’avoir aucune vue vers un hublot mais qu’importe si ensuite u écran devant transmet depuis le nez de l’avion toutes les manoeuvres de décollage.
Parmi les plaisirs du long-courrier il y a les repas bien sûr, qui ne vous sont pas servis parce que c’est l’heure mais parce que l’équipage a devant lui un créneau utile pour le faire, et les films que l’on peut regarder. La Passion Van Gogh, avec ses scènes réalisées par des peintres à la main et à la peinture à l’huile, dans le style de Vincent, m’a agréablement accompagné au-dessus de l’Atlantique.
Faute de recul avec cette cloison devant moi il n’y aura pas le classique croquis grand angle de la cabine, celui capable de vous occuper pendant la moitié d’un vol quand on pousse loin le souci du détail. On peut alors consulter l’écran pour suivre la progression de l’avion sur la carte, quand je réalise que nous sommes le 14 avril et que nous passons, à quelques milles près, à l’aplomb du site du naufrage du Titanic dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. Pour un amateur de mer et d’histoire, cette coïncidence de temps et de lieu est une émotion sincère et intense, que je cherche à faire partager avec une hôtesse qui m’écoute d’un air poli mais pas nécessairement convaincu. Arès tout, l’histoire maritime n’est pas une tasse de thé à laquelle le plus grand nombre aime goûter.
J’essaie bien de peindre, mais la position du genou du passager de l’autre côté de l’allée, dépassant de façon proéminente et peu gracieuse de son siège, oblige quiconque remonte la coursive à faire un détour qui invariablement heurte mon épaule et me fait bouger.
Heureusement les 8 heures finissent par s’écouler et l’avion retrouve le sol, lourdement, presque violemment, me faisant penser à l’albatros de Beaudelaire, splendide dans les airs et si gauche posé à terre.
Vous pensez pouvoir sortir rapidement de l’aéroport, encore faut-il passer les officiers des douanes qui n’ont rien trouvé de plus drôle que d’aller tous déjeuner en même temps au moment où se posent simultanément 5 longs-courriers dont deux Airbus 380. Ceux qui entrent pour la première fois sur le territoire des Etats-Unis ne peuvent profiter des files rapides et il nous aura fallu plus de deux heures pour atteindre enfin le contrôle, prise d’empreintes digitales, photo et les traditionnelles questions sur la raison de notre présence.
Pendant ce temps nos bagages ont fini de tourner et nous attendent, en vrac posés par terre, sans aucune surveillance.
Enfin à l’air libre, New York nous attend à moins que ce ne soit nous qui attendons New York... Taxi jaune, embouteillages, les premiers gratte-ciel apparaissent au loin, un pont... mais non ce n’est pas le célèbrissime dont nous ne connaissons pas encore le nom et soudain Manhattan, Madison Avenue, plongée dans Central Park... ah non, sous Central Park et enfin l’hôtel.
Nous sommes debout depuis 4 heures du matin heure, en France il est déjà 21 h mais à New York il est a peine 15 h alors en route pour Central Park, à un bloc de l’hôtel situé face au Lincoln Center.
Samedi chaud et ensoleillé, la foule a envahi le parc et là, 4 français osant à peine déambuler, frappés de se dire « on y est, on y est ! », là dans ce par. Mondialement célèbre entourés de ces immeubles vertigineux.
Mais l’émotion et la fatigue du voyage viennent à bout des résistances les plus folles qui s’éventent en un concert de ronflements bien gagnés.