Il est pour chacun d'entre nous des lieux auxquels on s'attache davantage qu'à d'autres, comme une ancre pour les souvenirs, un ponton du réconfort pour s'échapper du quotidien. Ainsi cette maison près de Lorient est-elle pour moi de ces ravissements toujours renouvelés, un lieu à l'attrait magique que le pinceau ne se lasse pas de saisir.
Sur une colline perchée au-dessus de la vallée du Scorff, la maison est à la tête du coteau (d'où son nom breton dont c'est là la traduction) d'où elle offre une vue plongeante et presque vierge d'urbanisation jusqu'au loin le toit de la forme de construction de l'arsenal de Lorient. Par beau temps, le reflet du soleil sur ce toit rectiligne donne à croire que c'est la mer que l'on aperçoit au loin.
La vue plonge vers le sud, la lumière au long de la journée tourne, change, fait miroiter les eaux du Scorff, briller les arbres ou les plonger dans l'ombre. En ce mois d'août, le champs au pied du jardin est haut en maïs qui dissimule le vieux hameau juste en dessous. Il faut parfois se mettre debout, ou monter au premier étage pour apercevoir au travers du Scorff les piles calcinées du Pont Brûlé, pointillés qui traversent le fleuve.
La marée joue son rôle dans cette pièce de théâtre silencieuse en lumière, en gonflant le Scorff ou le faisant disparaitre. Que le vent vienne à manquer et c'est un miroir qui s'offre aux yeux ; que la mer vienne à se retirer et les méandres du lit du fleuve dévoilent leurs dessous chics.
D'accord je ne peux dire combien de fois j'ai croqué cette vue depuis que je peins ; et lorsqu'il m'a pris de vouloir tester la peinture à l'huile, c'est naturellement cette vue que j'ai voulu saisir.
Mais toutes les techniques viennent en renfort pour capturer cette vue parfois si fugace : le croquis avec esquisse préalable, au crayon ou à l'encre ou la pochade à l'aquarelle directement. Parfois il faut faire vite, sans réel confort ce qui rend le dessin moins sûr mais il suffit de quelques minutes à peine pour que l'ambiance soit changée.
Bien sûr j'aime aussi me tourner vers la maison, parfois dans la maison. Elle a ceci de particulier que sa forme et ses proportions, si elles ne sont reprises exactement, peuvent ruiner le dessin.
La partie nord du jardin, occupée par le chemin d'accès, la zone de stationnement et un petit bois de chênes, est la moins croquée de toutes. Mais le soir les silhouettes des arbres paraissent alignées pour assister au spectacle de l'embrasement du ciel breton dans le coucher du soleil.
Et de la maison c'est encore de cette vue dont on profite...