vendredi 21 octobre 2016

Déambuler au Louvre


Bienvenue dans le plus grand musée du monde, pour qui cette phrase de Paul Valéry rédigée pour le Palais du Trocadéro serait aussi parlante :

Il dépend de celui qui passe
Que je sois tombe ou trésor
Que je parle ou me taise
Ceci ne tient qu'à toi
Ami n'entre pas sans désir

Ou encore celle que je lisais chaque jour en rentrant du Lycée Janson de Sailly :

Choses rares ou choses belles
Ici savamment assemblées
Instruisent l'œil à regarder
Comme jamais encore vues
Toutes choses qui sont au monde


Le Louvre, carrefour du monde entier tant on y croise de nations différentes parmi tous ces visiteurs, spectacle infini des beautés des arts du monde entier, dédale de l’antique au (presque) moderne, labyrinthe parmi les trésors.


Le Louvre n’est pas qu’un musée, c’est une émotion sans cesse renouvelée. Il faut s’y promener en se souvenant que ces lieux furent siège du pouvoir depuis leur édification et jusqu’en 1993 seulement. Siège de l’Histoire qui nous invite en ses murs et que l’on eut encore entendre pour qui sait prêter l’oreille.


Il est certes plus facile de se projeter dans ce passé en déambulant dans l’appartement de Napoléon III, dont le grand salon laisse sans voix, la salle à manger dont on ne voit pas la fin invite à s’asseoir (mais respectez le cordon !) ; l’escalier du Ministre laisse imaginer smoking et robes longues qui y ont défilé.
Mais partout, malgré un décor parfois modernisé pour les besoins des collections, l’Histoire est là que l’on peut apercevoir.


Tant d’œuvres y sont réunies qu’un article ne suffirait pas pour en parler. Il suffit de prendre place sur un banc et de se plonger dans un tableau ici, une statue là, un groupe. Se laisser hypnotiser par les objets d’art à la fois par leur beauté mais aussi par leur histoire. Joyeuse, l’épée dite de Charlemagne, évoque tous les sacres des rois de France auxquels elle a participé, elle qui paraît silencieuse dans son écrin de verre. Comment ne pas être subjugué par tout ce que le Vase de Suger a traversé, fruit aujourd’hui d’arts d’époques si différentes et si lointaines entre elles ?



Ces tableaux que l’on peut admirer nous sont souvent connus, reproduits, partie de notre imaginaire et illustrations de nos livres depuis notre enfance et ils sont là, pour nous et devant nous.
La force qui se dégage de l’esquisse de Bonaparte au Pont d’Arcole, la majesté de Napoléon III, la fraicheur de la Marquise de Pompadour,  la déambulation se poursuit dans les époques, les styles.



Il faut venir au Louvre, il faut surtout y revenir ; marcher une heure ou deux  puis sortir ce qui permet à peine de voir une petite partie d’un département ou de gambader d’une période à une autre au hasard. Mais revenir pour se perdre dans une autre aile, approfondir la découverte, voir les œuvres dans un autre contexte (excepté la Joconde, toujours très entourée !).


Je ne me lasse pas au Louvre, je m’y enrichis à chaque visite. Il faut aller au Louvre, il faut déambuler au Louvre.



lundi 17 octobre 2016

Il faut voir la Bretagne par grande marée


Il faut voir la Bretagne par grand vent, quand la mer semble vouloir gagner plus de terrain sur la terre que ne le prévoit la marée. Les arbres semblent peignés en direction de la terre ; les roches sont des tranches découpées et posées les unes sur les autres sur lesquelles la mer glisse dans le travail de sape de l’érosion.

C’est depuis la mer en remontant a côte que le paysage de Kerroc’h avait attiré mon attention. Nous allons souvent en promenade vers Lomener juste à côté dans l’Est, ou vers Fort Bloqué dans le Nord-ouest, mais entre les deux s’étire une lande que nos pas n’avaient pas encore foulé.
Les sorties en mer sont ainsi d’excellentes occasions pour repérer des sites où revenir plus tard et quand on y arrive les perspectives sont radicalement différentes, comme un autre lieu.


A Kerroc’h sur la Pointe du Talud, est-ce l’humidité des grains tombés violemment le matin qui fait effet de loupe, l’île de Groix paraît bien proche et la passe de l’Ouest, terrain de jeu des navigations de l’été semble avoir rétréci.
Le vent nous prend de face, porteur d’embruns qui rapidement se matérialisent sur les verres de lunettes vite mouchetées d’auréoles. Le vent qui fouette mais sans agressivité, sans chercher à vous renverser. Juste ce qu’il faut pour revigorer le corps et l’esprit, décrasser les poumons d’où la pollution se trouve chassée par cet air salin chargé d’iode et d’énergie.
La mer creuse son chemin dans une roche qui paraît si solide vue d’en haut, à faire fuir les marins, mais qui se laisse creuser, tailler, si friable tel le géant aux pieds d’argile.



Il est bon de s’engoncer dans une veste de quart bien étanche, remonter le col doublé de polaire pour être dans un cocon bien au chaud, exposé à la force des éléments que l’on peut admirer sans avoir à les subir. Ma barbe s’en ébouriffe de plaisir tandis que mes mains tremblent en dessinant.

La respiration de la mer est longue au loin, saccadée près de la côte où elle se brise, éclate en gerbe dans le ciel ou court sur un bout de plage, se glisse en furetant dans les interstices de la roche. Ce spectacle vire à l’hypnose quand on s’assied bien calé, les yeux se noient dans tant de beauté, spectacle gratuit qu’offre la nature généreuse de Bretagne.


Changement d’ambiance le lendemain matin le long de la plage de Larmor. La mer est basse, le vent s’est calmé en laissant quelques nuages pour meubler le ciel. Un dimanche, tout ce que les plages comptent de dériveurs et voile légère est de sortie. Les voiles colorées des catamarans de sport font concurrence aux spis chamarrés des voiliers. Une flottille digne d’un jour d’été qui profite d’une accalmie pour se secouer les voiles.


Le paysage du goulet de la rade de Lorient, de la citadelle de Port-Louis au garde à vous comme à la parade, font oublier par magie l’odeur prenante de la grande marée basse.

Là-bas dans le port mon voilier doit être sur le point de toucher la vase du fond du bassin avec un tel coefficient de marée, qui ne laisse que 40 cm au-dessus du zéro des cartes.
Hier déjà quand nous sommes passés le voir, le quai m’est paru bien haut depuis le ponton quand il a fallu remonter le moteur pour l’hiverner.
Et avant de prendre la route nous irons encore veiller à ses amarres et lui faire un signer, comme on flatte l’encolure d’un cheval après une promenade on caresse son étrave en lui disant à bientôt.


Les week-end en Bretagne sont toujours trop courts quand on habite loin, mais ils sont si riches en émotions qu’on ne s’en priverait pour l’or du monde.


dimanche 2 octobre 2016

Au musée Delacroix


Au coeur du quartier Saint Germain des Prés, dans le 6ème arrondissement de Paris, se nichent quelques pépites surprenantes, discrètes et bien cachées. Place Furstenberg, quelques arbres encadrent un lampadaire à cinq globes et donnent à ce petit espace un charme fou.
C'est là dans l'angle que s'ouvre une cour par laquelle on accède au musée Delacroix, dernière demeure du peintre qui avait choisi de s'y installer pour se rapprocher du grand chantier qui l'occupait alors, la décoration d'une chapelle de l'église Saint Sulpice.

En haut d'un grand escalier, on pénètre dans l'appartement du peintre, quelques pièces où sont réunies diverses oeuvres de Delacroix ou sur Delacroix. Ainsi deux portraits se répondent l'un l'autre : Delacroix peint par un ami et cet ami peint par Delacroix. Ou encore l'esquisse d'un tableau mettant en scène un épisode célèbre des prémices de la Révolution, Mirabeau signifiant à Dreux-Brézé envoyé par le Roi le refus du Tiers Etat de se séparer. Le tableau final est à Copenhague mais déjà ici on reconnait non pas les personnages à peine esquissés, mais leurs allures, leurs gestes, le tout déjà peint à l'huile.


En descendant quelques marches qui mènent au jardin, la visite se poursuit dans l'atelier de Delacroix, vaste pièce qu'éclaire une haute fenêtre et une verrière zénithale. En contournant la cheminée on trouve une petite pièce où est exposée la copie d'un tableau célèbre dont l'original est au Louvre, autoportrait de Delacroix ici par Jules Letoula que les français ayant plus de 20 ans connaissent bien pour avoir figuré sur les billets de 100 francs. Delacroix sur ce tableau avait 39 ans.

Un buste en plâtre teinté le représente académicien, il a donc plus de 59 ans. La chevelure toujours folle mais plus longue, le visage plus empâté et sévère et un nez digne de Cyrano.


Puis on descend profiter du jardin, au creux des immeubles qui se dressent tout autour et qui forme un rempart contre les bruits de la ville pourtant si proche. C'est un espace paisible, qui appelle à profiter de son calme en admirant la façade de l'atelier décorée de fresques à l'antique. De ci, de là, des livres sont proposés pour s'installer et lire tranquillement là où Delacroix a vécu heureux ses dernières années. Un lieu qui sans l' opiniâtreté d'une société créée spécifiquement pour aurait été détruit pour céder la place à l'urbanisation galopante.