dimanche 28 juin 2015

Sire, Marly !


Sire, Marly ! telle était la supplique que les courtisans avides adressaient à Louis XIV dans l’espoir d’être invités dans la résidence très privée du Roi Soleil, celle où seuls quelques rares élus privilégiés pouvaient accéder.
Il faut s’imaginer dans ce grand parc un petit château situé en surplomb au centre du jardin, face à un grand bassin flanqué de chaque côté de six pavillons. Le roi et sa famille s’installaient et recevaient dans le château tandis que les invités logeaient dans les pavillons.
Il n’en reste plus rien aujourd’hui si ce n’est les traces au sol du château et les emplacements aplatis des pavillons, même certains bassins ayant été asséchés.

Mais contrairement à d’autres châteaux comme Saint Cloud ou les Tuileries, ce n’est pas à un incendie ou une révolte que l’on doit cette démolition, juste à un besoin de prendre les pierres pour bâtir ailleurs autre chose sans intérêt.


Demeure toutefois le parc, magnifique comme prêt à accueillir son royal créateur, avec ses buis dressés au garde à vous le long du bassin, sa balustrade aux armes de France et bien sûr ses fameux chevaux. Fameux pour qui s’est promené sur le Pont Alexandre III à Paris où quatre statues de chevaux cabrés se dressent dorés au sommet des colonnes du pont. Les originaux viennent de ce parc et sont actuellement à l’abri au Louvre, remplacés à Paris comme à Marly par des copies.


Sire, Marly ! comment ne pas repenser à cette supplique en se promenant 300 ans plus tard dans ces allées, se dire que Louis XIV y marchait aussi ? C’est le propre de ces lieux historiques que de nous faire voyager dans le temps. J’ai déjà pu écrire sur Versailles et évoquer cette sensation de ne plus être au XXIème siècle (cliquer ici). Ce n’est pas aussi fort à Marly faute de bâtiment mais à défaut c’est à l’imagination de jouer pleinement son rôle, de se faire archéologue en passant au scanner des yeux les accidents du relief qui seuls permettent de repérer ce qui hier fut un pavillon.


Marly c’est l’intimité du roi pour ses loisirs, sorte de résidence secondaire avant l’heure ce qui permet de comprendre l’empressement des courtisans pour être sélectionnés parmi les heureux élus.

Aujourd’hui dépendant du parc immobilier de la présidence de la République, on se demande bien à quoi peut servir ce parc pour le pouvoir. Que le public en profite alors ! Or c’est précisément un parc bien moins fréquenté que Versailles, ce qui le rend d’autant plus agréable. Rien de tel que de s’installer sur l’herbe à l’ombre des buis en pyramide, au creux d’une nature domestiquée et séculaire qui préserve de tout environnement urbain alentour.


Sire, Marly ! c’est finalement aujourd’hui un cri de remerciement que l’on peut envoyer au Grand Roi par-delà les cieux pour ce domaine si plaisant qu’il nous a laissé !


vendredi 26 juin 2015

Eloge de mon balcon

Au balcon.


Il y a quelque temps à Tolède j’avais été conquis et ravi par cette pièce en nid d’aigle au sommet de notre hôtel, qui m’a donné l’occasion d’écrire et de peindre au faîte des toits avec une vue magnifique sur la ville environnante.


Et voici maintenant que sur notre balcon au dernier étage de notre immeuble nous avons installé une table qui me permet de travailler avec une vue agréable, largement dégagée.


Il ne faut pas oublier qu’à Paris les vues dégagées sont rares du fait de la largeur des rues. Le vis-à-vis est souvent trop proche diraient certains. Ici ce n’est pas la largeur de la rue qui marque mon horizon mais sa longueur !


J’ai déjà eu l’occasion de décrire en aquarelle la vue de ce balcon (cliquer ici) et grand bien m’a pris. Aujourd’hui la perspective sur Montmartre est fermée par des grues qui se dressent de Levallois jusqu’aux Batignolles et lorsque le futur Palais de Justice montrera ses 60 étages le Sacré Cœur ne sera plus qu’un lointain souvenir visuel.


Il y a du plaisir à s’installer sur cette table un peu instable, orienté vers l’extérieur et à l’abri d’un parasol qui à partir d’une certaine heure ne sert plus à rien, le soleil trop haut dans le ciel étant masqué par l’avancée du toit.
C’est comme s’asseoir dans une bulle au milieu des fleurs en balconnières et des diverses plantes avec le ballet des oiseaux qui ont élu domicile sur le toit. Hélas cette année le groupe d’hirondelles qui avait pris l’habitude de se nourrir dans notre nichoir ne pas semble pas avoir pu reprendre ses aises, sans doute à cause des ramiers qui les ont devancés.


J’aime m’installer à ce poste pour écrire, sans être gêné dans ma concentration grâce au calme du quartier, la rue étant en outre invisible d’en haut une fois assis à ma table. Le canisse installé pour prévenir mon vertige ajoute encore à ce côté préservé.
Avec les beaux jours ce balcon est devenu une pièce de plus où il fait bon vivre. On peut même y faire la sieste à mi-ombre en étendant un matelas de camping entre les pots de fleurs, lesquels vus du sol prennent une perspective intéressante !

Travailler là me fait penser au bureau de Victor Hugo à Guernesey, bâti au sommet de sa maison lui aussi en nid d’aigle vitré, où il pouvait écrire face à la mer sur une tablette avant de jeter les pages les unes après les autres sur un canapé en arrière pour qu’elles y sèchent. Mais Victor Hugo travaillait debout.

Le balcon n’est pas bien large mais j’y trouve un confort car assis à cette table je touche du dos le mur, ce qui me maintient idéalement dans une posture rassurante.

La table est en bois verni d’une lasure sombre, à plateau en caillebotis ce qui est charmant pour le regard, parfois peu pratique pour écrire à la plume. Mais celui lui donne un petit air de bureau de campagne que l’on peut transporter avec soi et installer partout en pleine nature.


Sur le balcon ce sont les plantes environnantes qui donnent cette impression de nature, qui peut paraître artificielle en pleine ville mais à Paris il faut apprendre à goûter tout ce qui permet de s’extraire de l’environnement urbain pour s’offrir des compensations. Certains prennent des psychotropes, moi je me crois dans la nature, ce n’est pas plus idiot et cela reste productif.


Sans être jardinier et même bien au contraire, j’aime prendre soin de ces plaintes, les voir pousser et m’étonner de leur vigueur. Il y a là les classiques géraniums et pensées, les grimpantes clématites qui attaquent l’ascension du treillis, les sudistes lavandes, thym et romarin sans oublier le basilic dont la fonction alimentaire est chaque année honorée, hortensias, pivoines et agapanthes.


Avantage de ce balcon, il est lumineux mais ombragé, ce qui permet d’en profiter sans la sensation d’une étuve ou d’une surchauffe.
Et même le soir, la fraicheur qui y règne offre le loisir de profiter des charmes de la nuit sur Paris. Et parfois de distinguer quelques étoiles tandis que sur notre droite clignote la Tour Eiffel dont nous voyons le sommet…





dimanche 21 juin 2015

Au Salon de l'Air et de l'Espace du Bourget



Salon international de l'Air et de l'Espace, Paris Air Show 2015.
Voici bien longtemps que je n'avais eu l'occasion de revenir au Salon du Bourget, ce qui peut surprendre pour un amateur d'aéronautique. Je me demande si je n'étais pas collégien la dernière fois, je me souviens encore d'avoir déjeuné avec un ancien pilote de chasse de l'aéronavale.
Cette année, muni d'un badge visiteur professionnel, c'est décidé, j'y retourne. Reste à savoir quand, entre charge de travail au cabinet et plafond trop bas pour permettre des vols. Pour y faire quoi ? Pour dessiner voyons ! Pas la foule qui n'est pas mon fort, ni les évolutions en vol, mais les avions en exposition statique.


Laissons la foule s'agglutiner près des chasseurs et des drôles pour privilégier ici un avion école, là une relique de la seconde guerre mondiale.


Ô joie de trouver ensuite quelques modèles qui renvoient à l'aviation des années 50 et 60, à ces appareils que Tanguy et Laverdure faisaient voler dans leurs premières aventures.
Ces zincs que des passionnés ont su préserver et parfois faire revoler qui nous rappellent que dans l'aviation il y a une part de rêve mais aussi une forme de poésie. Exactement ce que disait l'animateur présentant les démonstrations en vol : un pilote conduit un avion, un aviateur mêle le rêve à une certaine philosophie dans la vie.


Depuis Icare l'homme rêve de voler, certains y parviennent, parfois en font profession, d'autres restent au sol et s'exposent à une cervicalegie à force d'admirer tournoyer ceux qui regardent les nuages d'un peu plus près.
Et en bas, carnet de croquis à la main pendant que le ciel se déchire dans la fureur des réacteurs, je profite du spectacle, je souris de ces gens qui écoutent religieusement ces pilotes leur parler de leur avion, signe de l'attrait toujours renouvelé tant pour ces machines que pour ceux qui les mènent.


Quel plaisir d'alterner modernité dernier cri et renvoi historique ! Comme en vol quand un vénérable warbird du Normandie-Niemen succède au ballet coloré de la Patrouille de France.
Et je ne peux m'empêcher en regardant ces avions d'un autre âge de penser à ce qu'ils ont vécu, à ce que leurs pilotes ont pu faire avec. C'est un renvoi dans l'Histoire comme sait le faire une vieille bâtisse.


Des rencontres aussi. J'ai croisé en arrivant tous les pilotes de la Patrouille de France au milieu du public, discutant librement et simplement, se prêtant au jeu des photos avec le sourire. J'ai partagé un café dans leur longe avec les pilotes de démonstration de l'Airbus A 350, salué ceux de l'A 380. Ils ont rougi comme des collégiens quand je les ai félicité pour leur vol ! Comment ne pas être frappé par une telle simplicité, quand ils parlent de leur préparation ou du déroulement du vol, il n'y a rien de prétentieux, juste quelques mots qui savent faire rêver. Il faut oublier Top Gun, les vrais aviateurs n'ont rien à voir !


Dans mon carnet j'ai eu envie de raconter ces rêves et rendre hommage à l'élégance de ces oiseaux. Mes avions en papier sont en aquarelle et sont statiques, à l'image de ces ailes que je n'ai jamais pu déployer. Mais que les rêves restent beaux !




jeudi 18 juin 2015

Il n'y a pas que le diable qui se cache dans les détails


Pour qui sait y prendre attention, Paris comme ailleurs regorge de lieux qu’il ne faut pas seulement regarder dans un plan large mais au contraire en cadrage serré.
Il est toujours étonnant de constater combien un simple détail peut prendre de la valeur quand on l’isole de son environnement. Il est somme toute fréquent dans un site presque insipide qu’un petit pan attire l’œil et ce qui paraît dépourvu d’intérêt subitement se révèle étonnamment expressif quand on se focalise uniquement dessus.


Avantage indéniable du croquis qui impose de prendre son temps pour déceler ce qui pourra tenir dans un carnet et se suffire comme évocation. Cela permet d’observer et de s’intéresser plutôt que de se contenter d’un simple coup d’œil rapide.


Voici justement quelques croquis pris sur le vif comme vus depuis le gros bout de la lorgnette. Ils sont le fruit de ce qu’offre la vision d’un instant précis. Ici en vis-à-vis d’un café un pan de mur ressortant du feuillage des arbres de la rue ; là la terrasse d’un musée surplombant un boulevard.
Parfois au contraire il s’agit juste d’isoler un sujet pour ne rendre que lui ou tout simplement quand le recul n’est pas suffisant pour que l’œil en embrasse davantage.




Le détail semble faire fuir, en témoignent ces parfois injustes locutions telles « le diable se cache dans les détails » ou la plus lointaine « de minimis non curat praetor », occasion pour ceux dont le latin n’était pas la troisième langue de se replonger dans le détail d’une œuvre, les pages roses du Larousse. Quelle tristesse alors que le succès d’un tout se juge à la qualité des finitions.


J’aime évoluer en m’intéressant aux petites choses et j’ai déjà écrit sur ces « petites choses » qui nous entourent, sans intérêts a priori mais sympathiques sujets d’aquarelle. Ces petites choses se retrouvent aussi dans la rue, le mât jaune du métro que plus personne ne regarde en étant un parfait exemple.


Nul ne pense à respirer tant cet acte est naturel mais par ces croquis je vous invite à vous concentrer sur votre respiration et l’insipide subitement va trouver sa vraie saveur.
A vous maintenant de sortir dans votre rue avec ce regard ciseleur en quête du petit détail qui sera le sel de votre vision.



lundi 8 juin 2015

Au Parc Monceau

Au parc Monceau. Comment ne pas se promener dans ces allées sans penser à nos illustres prédécesseurs qui y ont circulé ?
Cette "plaine Monceau" transformée dès le 18ème siècle en "folie" agrémentée de curiosités diverses, comme ce bassin à colonnade selon le mode antique des bassins destinés aux joutes nautiques, pyramides et pont.


Penser à Chateaubriand qui s'y est promené en curieux, dans une configuration plus vaste toutefois ; à Napoléon III qui en a inauguré la forme actuelle ; à Proust dont on dit que s'il revenait aujourd'hui il retrouverait sans peine son chemin dans ces allées.


Goûter aux douceurs du soleil en plein Paris, à la fraicheur des ombrages où l'on croise quelque buste de grand auteur.




Au loin les pelouses par jour de belle chaleur prennent des airs de plage d'été pendant que s'égayent des enfants d'allées en manège.
Tous ces parcs sont comme des poumons dans une ville surchauffée, une fenêtre sur la campagne originelle dont ces parcs sont issus. C'est la ville qui a poussé tout autour et non la campagne qu'on y a fait venir.

C'est un souvenir d'Histoire qui s'offre à nos regards, en témoignent ces arbres remarquables datant presque de l'aménagement du parc, ces hôtels bâtis tout autour par et pour des banquiers du temps d'Haussmann.