mardi 14 avril 2015

Le retour du printemps

Le printemps est de retour et désormais cela ne se sent plus seulement, cela se voit. Jusqu'ici il m'avait fallu quitter Paris pour percevoir l'éclosion de la nature car en ville les bourgeons se faisaient timides, à peine une touche de vert si discret qu'il fallait avoir le nez sur l'arbre pour le voir.
Depuis des mois maintenant mes dessins, mes aquarelles, se caractérisaient par un manque, l'absence d'une couleur supplantée par une autre. Il fallait presque aller en montagne chercher quelques résineux persistants afin de voir du vert. 

Le vert, attaché par essence aux périodes de sève haute, a été cette année le révélateur visible - enfin, si l'on peut dire car c'est par son absence qu'il brillait et ainsi faisait effet - des manques que provoque l'hiver. Manque de soleil, manque de chaleur, tout ceci pour moi se synthétisait en un unique manque de vert. Et c'est la particularité du manque : ne pas être perceptible sur l'instant ; on peut évoluer, se mouvoir et vivre sans le percevoir jusqu'à l'heure du bilan où les filtres du cerveau font ressortir ce triste constat, de toute la journée je n'ai vu de vert tout comme de toute la journée je n'ai pu apprécier la sensation de chaleur.

C'est pourquoi cette année peut-être plus que les précédentes j'ai guetté le retour du printemps, scruté le vert, attendu l'apparition des bourgeons. Mais curieusement, c'est une quête qui s'oublie dans la langueur du quotidien à tel point que si l'on voit poindre les premiers bourgeons, en revanche on ne voit plus les suivants pousser, comme ces éléments du paysage qui défilent sous nos yeux sans qu'on y prête la moindre attention. Et là le vert qui m'a tant manqué revient sans même que je ne m'en rende compte, cruelle ironie !
Et puis subitement les yeux s'ouvrent mais j'ai presque envie de dire que c'est trop tard, comme si la lumière avait été brutalement allumée pour déchirer l'obscurité, plus rien n'est pareil d'un instant sur l'autre sans la moindre transition en douceur. Hier tout était triste et gris et maintenant, tout est vert !

Ne boudons pas notre plaisir ; le printemps est  là sans qu'il ne soit nécessaire de se rendre à la campagne pour l'apprécier, il est là à portée de main, il est présent sous nos yeux et avec lui la promesse des jours plus doux, du chant des oiseaux comme des palettes de couleurs qui se déploient avec bonheur en d'agréables compositions.


Et voici que du haut de mon balcon tous les arbres sont désormais drapés d'un vert clair comme sorti du tube, toutes ces feuilles semblent vues d'en haut agitées par le vent léger dans une danse joyeuse. Le printemps par leurs branches est comme tendant les bras vers le ciel tandis que depuis la rue ce geste d'acclamation force à lever les yeux vers ce ciel qui lui se pare de bleu, subtile harmonie.

C'est l'époque des cerisiers, touches de couleur au milieu de la ville, c'est l'époque où certains vieux arbres peinent à bourgeonner, squelettes qui s'agitent incongrus. Ils sont là pour nous rappeler que le printemps évolue comme une promesse, comme la mandarine accompagne Noël ces bourgeons nous annoncent des fleurs promesse des fruits de l'été.





Profitons ! Sortons et lançons le nez en l'air, jetons nos yeux sur ce qui nous entoure pour en savourer la lente et délicate mue, faisons autant de croquis que possible pour célébrer la joie de ce printemps qui se redonne à nous avec la fidélité annuelle d'un rendez-vous amoureux !

vendredi 10 avril 2015

Matériel de sketcher

Note préalable : ma pratique évoluant et cet article étant le plus régulièrement consulté du blog, je le mets à jour pour vous faire profiter des retours d'expérience sur le matériel évoqué.


Perdu dans un abîme de perplexité face à une page blanche, l'idée m'est subitement venue d'écrire sur le matériel qu'un croqueur urbain promène avec lui, en tout cas celui que j'utilise et qui n'est qu'un exemple parmi d'autres. 

La technique qui me caractérise est l'encre de Chine avec aquarelle sur carnets, même si j'apprécie aussi de faire une esquisse au crayon léger. Il m'arrive également de croquer sans esquisse préalable, directement à l'aquarelle ce qu'autrefois je n'osais pas faire mais qui s'avère en réalité très plaisant.

Mes carnets sont de différents formats, non seulement pour être en mesure de m'adapter à un environnement mais aussi en fonction d'un contexte. Ainsi au quotidien j'ai sur moi un carnet A6 qui a le mérite de tenir dans une poche, d'être d'un encombrement minimum tout en offrant une taille déjà suffisante pour un croquis fait "entre deux" et donc très rapidement.
En revanche, en vacances ou en week-end, le carnet sera plus grand jusqu'au A4 car alors j'aurai un sac à disposition pour le porter et le temps nécessaire pour me lancer dans une composition plus grande.

J'avoue une prédilection pour les carnets Moleskine, non par snobisme déplacé mais pour des raisons très concrètes. La résistance d'abord : un Moleskine peut s'ouvrir à plat sans que la couture à terme ne finisse par rompre. Son volume, qui reste discret notamment du fait de l'épaisseur de la couverture rigide. J'ai comparé avec d'autres marques, la couverture Moleskine reste, à résistance et rigidité égale, la plus fine et donc la moins gênante dans la poche.

Depuis peu j'ai découvert les carnets de la marque Hahnemühle ("le Moulin du Coq") qui présente les mêmes caractéristiques que Moleskine en terme de qualité du papier, résistance de la couverture et légèreté, mais qui a l'avantage de proposer un format A5 version portrait et non seulement à l'italienne comme chez Moleskine.

L'esquisse du croquis est chez moi faite à l'encre de Chine, avec ces feutres à pointe fine si possible, non délayable à l'eau. Ainsi l'encre reste discrète et va tenir lors de la mise en couleur. J'ai beau avoir plusieurs tailles de feutre sur moi, j'ai tendance à n'en utiliser qu'une seule par croquis ; le trait est ainsi fait en une seule fois, sans changer d'instrument.

J'ai découvert depuis peu le plaisir de dessiner à la plume et je n'utilise donc les feutres que lors de voyages en avion (les plumes n'aiment pas la surpression en cabine qui provoque des fuites, sauf à voyager avec le stylo d'un coté et la cartouche ou le réservoir d'encre de l'autre). Je travaille avec deux stylos : un Lamy Safari pointe moyenne, que je charge d'encre noire Dokumentus qui résiste parfaitement à l'eau sans temps de séchage ; un Carbon Platinum, avec l'encre Platinum en cartouche ou en réservoir à pompe. On joue avec la plume pour doser la largeur du trait, c'est une finesse très appréciable. Bien sûr, qui dit plume et encre dit pas de droit à l'erreur ou plus exactement, pas de possibilité de repentir : ce qui est fait est fait et il faut l'assumer, faire avec.

Pour le dessin au crayon je privilégie le porte-mine : léger et toujours bien taillé, mais aussi le criterium qui tient bien en main et propose un trait plus gras qui convient bien aux croquis rapides faits à la volée.

Ne surtout pas oublier les pinces à dessin, pour bloquer les feuilles du carnet quand la bise légère se fait intrusive...


Pour la couleur, ma fidèle palette d'aquarelle m'a accompagné longtemps avec ses 12 demi-godets que je remplissais de temps à autres. En plastique, elle était très légère et discrète, tient sur le coin d'une table comme dans le creux de la main.

Mais l'envie d'évoluer m'a poussé vers une palette à boite métallique, qui avait pour intérêt de pouvoir y ajouter d'autres godets voire de remplacer par renouvellement ceux existant.
A l'usage, cette palette s'est avérée lourde alors que le poids est un sujet quand on se promène toute la journée avec du matériel sur le dos.

Alors je suis passé tout récemment à la palette de voyage "Ma Petite Aquarelle" de Sennelier, initialement livrée avec 12 godets non remplaçables auxquels j'ai vite ajouté 6 de mieux pour introduire d'autres nuances de couleurs ou, pour le bleu et le jaune, des godets pouvant être "salis" lors des mélanges notamment pour faire du vert.

Cette palette est légère et est équipée d'une sangle élastique en sous-face qui permet de la tenir en main. Elle est toutefois légèrement plus épaisse que d'autres modèles.





Dans le même ordre pratique, la palette Van Gogh de 15 demi-godets est particulièrement agréable, d'autant qu'elle contient un deuxième plateau de mélange rangé dans le couvercle et que l'on décroche grâce au manche du pinceau rétractable fourni avec.


Pour tenir le tout confortablement, voici le porte matériel : une tablette format A5 avec une pince à papier. Utilisée à l'envers, elle coince le carnet avec la pince et libère au-dessus l'espace utile pour faire tenir la boite d'aquarelle avec des pinces à papier. Le godet à eau peut être accroché dans un support à clip.




Pour appliquer la couleur, on peut avoir recours à des pinceaux de voyage ou à un pinceau à réservoir en mobilité.


Dans ce réservoir, il n'y a que de l'eau, pas de pigment ; pour changer de couleur, on utilise une petite éponge humide contenue dans sa boîte en plastique. Un mouchoir en papier ferait certes l'affaire, mais l'éponge est plus efficace  pour nettoyer le pinceau. Attention toutefois à ne pas laisser l'éponge enfermée dans sa boîte au soleil, car celle-ci étant hermétique, l'éponge peut moisir à la chaleur !

Mais comme on fait vite le tour des avantages et des inconvénients, le pinceau à réservoir n'est en fait à réserver que pour des touches rapides de couleurs car étant en synthétique, il ne se gorge pas d'eau ou en déverse trop et s'avère inadapté pour des lavis ou des zones trop grandes à mettre en couleur.



Je me suis donc équipé de pinceaux de voyage soit avec des petits manches soit avec un manche repliable qui sert de capuchon quand il est fermé. J'utilise plusieurs tailles, jusqu'au petit gris miniature et l'eau m'accompagne dans un petit flacon sélectionné sur deux critères : l'étanchéité du bouchon et la stabilité du flacon. Il faut éviter les fuites dans le sac ou le flacon qui se renverse sur le carnet.

Tout ceci tient dans une trousse d'écolier, ce qui permet de tout avoir sous la main avec un poids et un encombrement minimes.

Aujourd'hui ma trousse est en tissu, trouvée à Rome dans un charmant petit magasin, avec un matériel prêt à dégainer face à un sujet... qu'il ne reste qu'à trouver !





mardi 7 avril 2015

Visite à Giverny, chez Claude Monet



Un lundi de Pâques ensoleillé, par une température qui oscille entre fraicheur saisissante, plus vraiment le froid, et une douceur réconfortante, pas encore la chaleur, prenons la route vers le nord-ouest, aux portes de la Normandie, direction un coude de la Seine : Giverny !

Dès le parc de stationnement, l'ambiance est plantée sous les cerisiers alors en fleurs, d'un rose diaphane qui se détache sur le bleu du ciel sorti du tube, comme une estampe qui vous saisit.

Faire la queue, pas trop longtemps, le temps de se munir de son ticket pour descendre, en contrebas de la rue, et arriver par le vaste atelier des Nymphéas, à la verrière zénithale voilée d'une toile, transformée en temple aux souvenirs multilingues.
Passons vite et sortons au jardin pour se laisser porter par la découverte ; voir ces mille fleurs dont je suis incapable de retenir le nom (ce qui faisait le désespoir de ma pauvre grand-mère !) mais qui ravissent l'oeil autant qu'elles me chatouillent les narines. Qu'il est bon de sortir de la ville et de revoir le vert, apprécier la présence bien installée du printemps alors qu'en ville son retour ne se fait que par traces encore bien discrètes.

Monet disait de lui qu'en dehors de son jardin et de la peinture il était bon à rien : toute son oeuvre est réussite ! Taillé par quartiers rectilignes, le jardin s'étale langoureusement entre la maison et l'ancienne voie ferrée, aujourd'hui une route.

Commencer un croquis de la maison avant d'y pénétrer, comme on met ses pieds dans les pas de l'Histoire, avec respect quoi qu'on s'en défende. Découvrir le vaste salon-atelier re-agencé comme au temps du peintre, que l'on découvre du haut de quelques marches car la pièce est à hauteur du jardin a
lors que la maison est à hauteur de la terrasse ; un bureau, quelques canapé et fauteuils, et aux murs sans fin des tableaux qui grimpent à l'assaut de la belle hauteur sous plafond.

Se faire indiscret et rentrer dans la chambre de Monet, pour constater que de toute la maison il s'était réservé la plus belle. Parcourir un couloir pour trouver un autre escalier qui permet de rejoindre la salle à manger toute de jaune peinte, comme les meubles d'ailleurs, qu'égaient ici comme partout ailleurs dans la maison les estampes japonaises que collectionnait Monet. Imaginer les tablées familiales (Monet était à la tête de 8 enfants), les amis de passage et passer dans la cuisine recouverte de céramiques bleues. Se laisser impressionner par la collection de casseroles, rangées par taille, par le fourneau que l'on jalouse tant la cuisine que l'on peut y faire est délicieuse.

Et ressortir, passer le souterrain moderne pour se rendre au jardin d'eau, clou de la visite pensent certains, image la plus connue du lieu disent d'autres, mais quoi qu'il en soit lieu voulu et créé par l'artiste pour y représenter à domicile l'eau. Un bras d'un affluent de la Seine, un petit étang, une île et son pont japonais, puis enfin un banc parmi d'autres pour s'y asseoir et croquer le lieu.

Quelle joie de peindre non pas ce qui a déjà été peint mais là où le Maître a peint, se dire que la palette d'aquarelle est à sa place bien naturelle ici, certes autant qu'ailleurs mais avec cette saveur particulière.

Finir de peindre la maison aussi puis repartir, se dire combien le peintre a eu de la chance de découvrir ce lieu et d'y vivre, combien nous avons de la chance que ce lieu ait pu être aussi bien préservé pour nous permettre d'en profiter un siècle plus tard.


Et avoir envie d'y revenir plus tard dans la saison lorsque la nature sera plus exubérante encore.

A Paris, le 7 avril 2015

















samedi 4 avril 2015

Chemin de croix à St Philippe du Roule (Paris)




Le Vendredi Saint, les chrétiens célèbrent la Passion du Christ, moment important dans le triduum pascal qui correspond à la fête la plus importante de l'année liturgique. Le Chemin de croix est une célébration qui consiste à rappeler les 14 étapes, appelées stations, qui vont de la condamnation de Jésus jusqu'à sa mise au tombeau.
L'assemblée progresse station par station autour de l'église en s'arrêtant devant chaque représentation de ces étapes pour prier et méditer.

Je suis allé cette année à St Philippe du Roule, dans le 8ème arrondissement, qui est ma "paroisse de midi", comme on dit pour les professionnels qui s'y retrouvent chaque vendredi midi. La nef avait été entièrement débarrassée de ses chaises pour laisser l'assemblée prendre librement place en tournant au fur et à mesure des stations. Un porteur de croix accompagné d'un prêtre et d'un diacre chemine ainsi, encadré par deux porteurs de cierge. 
La nef est plongée dans le noir et la lumière ne vient que des vitraux et des cierges, lesquels toutefois n'illuminent que le visage de leurs porteurs, pas au-delà.

J'ai sorti mon carnet, discret dans le noir et se confondant avec un missel, pour croquer la scène. A cet instant, le second porteur de cierge m'est masqué par l'assemblée et seul celui en aube m'apparaissait, le visage nimbé de la chaude lumière de son cierge.

L'assemblée reste debout, seulement une génuflexion à chaque intitulé de station, immobile et méditante dans l'obscurité.
Difficile de décrire l'effet produit par cette vaste nef plongée dans le noir, vidée de ses chaises ce qui lui donne un air carré, remplie d'une foule que l'on devine plus qu'on ne voit.

Un instant ma pensée s'envole pour évoquer la bière de Balzac dont les funérailles furent célébrées ici...

Sursum corda !